Mort de Nora Quoirin en Malaisie : la piste criminelle exclue, "cela ne correspond pas à la réalité" dénonce sa famille

Nora Quoirin a trouvé la mort en 2019 en Malaisie. Alors que sa famille était persuadé du caractère criminel de sa disparition, l'enquête a exclu ce lundi l'implication d'un tiers.

La mort de Nora Quoirin, Franco-Irlandaise de 15 ans dont le corps avait été retrouvé dans la forêt en Malaisie dix jours après sa disparition en 2019, est due à "une mésaventure" dans la jungle et non à un meurtre ou à une agression sexuelle, selon les conclusions de l'enquête rendues ce lundi 4 janvier 2021.

La jeune fille, dont les grands-parents habitent das l'Yonne, avait disparu au lendemain de son arrivée, avec sa famille, à l'hôtel Dusun Resort, un complexe touristique situé à 70 km environ au sud de la capitale Kuala Lumpur, en lisière de la jungle. Le corps de l'adolescente atteinte d'un léger handicap mental avait été retrouvé au bout de dix jours de recherches.

La police avait estimé que la mort était d'origine accidentelle et l'autopsie réalisée en Malaise avait conclu qu'elle était probablement décédée des suites d'une hémorragie interne induite par la faim, après avoir passé plus d'une semaine dans la forêt tropicale. Mais les parents sont persuadés que leur fille n'était pas capable de sortir seule, en pleine nuit, par la fenêtre du chalet où elle séjournait, et qu'elle avait été enlevée.

La "coroner" responsable de l'enquête, Maimoonah Aid, a estimé ce lundi que "personne n'est impliqué" dans sa disparition et qu'il est "plus probable qu'elle soit morte à la suite d'une mésaventure".

Pour Mme Maimoonah, l'adolescente a sûrement quitté le logement familial "toute seule" avant de se "perdre dans la plantation de palmiers" qui était à l'abandon. Le corps dénudé de Nora Quoirin avait été retrouvé dans un petit ruisseau au fond d'un ravin dans la jungle après dix jours de recherches ayant mobilisé des centaines de personnes, des hélicoptères et des chiens.

"L'asymétrie des conclusions par rapport à la réalité est flagrante. On ne regarde pas les choses telles qu'elles doivent être vues. Ils ont mis des moyens, mais si la forme est présente, le fond n'y est pas", nous a indiqué le grand-père de Nora, Sylvain Quoirin, qui habite la commune de Venizy dans l'Yonne, dont il est par ailleurs le maire. Il ne croit toujours pas à la thèse de l'accident, malgré les conclusions malaisiennes.

Sébastien et Meabh Quoirin, les parents de Nora, sont "totalement indignés par les conclusions de la "coroner".Nous avons vu 80 diapositives présentées à la cour, dont aucune ne prenait en compte la psychologie de Nora. Son handicap et ses capacités intellectuelles ont été totalement oblitérés", dénoncent les parents dans un communiqué.

Selon l'avocat de la famille, Me Charles Morel, "la décision rendue hier est totalement incompréhensible. Elle valide la thèse des policiers mais sans répondre à aucune des questions ou des objections, des obstacles insurmontables justement concernant cette thèse accidentelle."

"Endroit étrange et nouveau"

La "coroner" a mis deux heures avant de rendre ses conclusions lors d'une visio-conférence, en raison de la pandémie de coronavirus, qui se tenait depuis un tribunal de la ville de Seremban. Elle a ainsi passé en revue plus de 40 témoignages recueillis lors de son enquête qui a débuté fin août et s'est achevée en décembre. Au moment des conclusions, la mère de la victime a baissé la tête.

Selon la "coroner", à leur arrivée en Malaisie, la famille et notamment l'adolescente étaient fatigués et il est donc probable que dans cet "endroit étrange et nouveau", la jeune fille ait quitté de son plein gré le chalet. Mme Maimoonah a également souligné que la mère de la victime avait déclaré que sa fille était capable de monter les escaliers toute seule, laissant à penser qu'elle a pu sortir toute seule de leur chalet.

"Si on ne tient pas compte de la personnalité de Nora, comment voulez-vous aborder le sujet d'une fugue éventuelle ? Si on sait que Nora est une fille grégaire, peureuse, introvertie presque, comment peut-elle prendre l'initiative de sortir par une fenêtre et d'aller se balader la nuit ? C'est totalement impossible", nous a répondu le grand-père de Nora, Sylvain Quoirin.

"Le verdict est concentré exclusivement sur des considérations factuelles concernant notamment sa mobilité physique", dénoncent les parents. "La famille a clairement l’impression qu’au fond, cette enquête concédée sous la pression diplomatique et médiatique avait déjà son issue dès qu’elle a été ouverté", déclare Me Morel. "On a l’impression qu’il s’agissait de conclure à un accident et à un départ volontaire qui protège la réputation du pays."

Le grand-père de Nora, joint par téléphone ce lundi, a rappelé que le corps de la jeune femme, découvert dix jours après sa disparition, présentait peu de marques. "Il faisait très chaud. Elle s'était endormie toute nue avec son slip. Ils l'ont retrouvée toute nue sans son slip. Si elle s'était baladée sept jours dans la jungle, vous imaginez qu'on aurait trouvé des piqûres, des sangsues sur son corps. Mais il n'y avait rien à part quelques égratignures qui étaient antérieures", a-t-il affirmé.

Au cours de l'enquête, la police a répété ne pas avoir d'indices pouvant laisser croire à une piste criminelle et penser qu'elle est sortie elle-même de son chalet en passant par la fenêtre. Mais ses parents, qui habitent Londres et ont témoigné par téléconférence depuis la Grande-Bretagne, ont raconté avoir entendu des bruits suspects dans le chalet la nuit de sa disparition.

Le père, Sébastien Quoirin, un Français, a dit avoir "entendu des bruits étouffés venant du chalet" tard dans la nuit le jour où la famille est arrivée. De son côté, la mère, Meabh, Irlandaise, a critiqué la réaction de la police, estimant qu'elle a été lente et peu efficace. L'adolescente était scolarisée dans une structure destinée aux enfants présentant des difficultés d'apprentissage et de communication. Interrogée par la BBC, elle a indiqué : "Nous allons continuer de nous battre pour que l'histoire de Nora soit entendue."

La famille envisage de faire appel

Le média britannique ajoute que la famille Quoirin peut désormais demander une révision du verdict auprès de la Haute Cour de Seremban. Une telle décision a déjà été prise en Malaisie auparavant rappelle la BBC. En 2019, un verdict de "mésaventure" concernant la mort de la mannequin de 18 ans Ivana Smit, avait été annulé. Une enquête pour meurtre avait ensuite été ouverte.

La famille dit qu'elle a maintenant besoin de temps pour envisager ses prochaines actions, nous a indiqué leur avocat en France Me Charles Morel. "Elle est encore sous le coup de la décision. Elle réfléchit à l'éventualité de faire appel."