Enquête : Les faux tableaux du prince Charles, l'escroquerie du siècle

La cocaïne le calmerait, et durant notre conversation, il est particulièrement agité. « Vous me regardez comme si j’étais fou. Écoutez, je suis l’une des personnes les plus saines d’esprit que je connaisse. Mon QI est supérieur de dix-huit points à celui d’Einstein. Si j’ai l’air d’être un putain de taré conspirationniste, c’est parce qu’ils ont manigancé ça à la perfection. » Il a prêté les tableaux au prince sous couvert d’anonymat, précise-t-il. Comment le supposé faussaire, Tony Tetro, aurait-il pu savoir que ceux-ci se trouvaient à Dumfries House, « à moins que Bernie Ecclestone ou le vicomte Rothermere ne le lui aient dit ? » (Rothermere, d’après son porte-parole, n’intervient pas dans les choix éditoriaux du Daily Mail. Ecclestone a décliné les demandes d’interviews de Vanity Fair.) Par ailleurs, poursuit Stunt, si certains des tableaux sont faux, il ne voit pas le mal. « Je les ai prêtés parce que je crois à la fondation du prince Charles. J’aime le prince de Galles. » Il hausse la voix. « J’ai fait ce prêt bénévolement, OK ? Il n’y a pas de délit finan­cier : je leur ai prêté gratuitement des œuvres d’art. » Stunt a l’air ému quand il parle du prince.

En 2017, lorsque son frère est mort d’une overdose, il a reçu un mot touchant de Charles pour qu’il soit lu aux funérailles. Cette année-là, alors qu’il était en plein divorce, le prince a été « si adorable » qu’il a proposé d’ajouter son nom au côté des tableaux prêtés. « Je lui ai dit : “Non, Votre Majesté.” » Jamais il ne ferait quoi que ce soit qui puisse lui nuire. « Je révère la famille royale. Cela me met très mal à l’aise de parler du prince parce qu’on dirait que je suis de ces affreux qui font étalage de leurs relations. » L’a-t-il appelé depuis que le scandale a éclaté ? « Je ne veux pas parler de lui ! s’emporte-t-il. Vous n’avez que son nom à la bouche. Vous ne faites que revenir sur cette stupide affaire Tetro ! Laissez-moi être bien clair pour la milliardième fois, parce que là, je commence vraiment à m’énerver, ça n’est jamais arrivé, putain de merde, OK ? » Il vitupère dix bonnes minutes de plus avant de s’excuser de devoir retourner à sa salle de bains.

Enquête : Les faux tableaux du prince Charles, l'escroquerie du siècle

Syndrome du micro-pénis

La saga de James Robert Frederick Stunt commence quelques jours après sa naissance, en 1982, lorsqu’il est porté sur les fonts baptismaux par son parrain, Terry Adams, condamné plus tard pour blanchiment d’argent. James grandit à Virginia Water, le deuxième endroit le plus cher du Royaume-Uni après Londres. Son père, autodidacte, a fait fortune dans l’imprimerie après des débuts dans le logement social. « Mon père n’était pas un gangster, précise Stunt. Pour ce qui est de mon parrain, je ne dirais pas qu’il en est un, mais je ne dirais pas non plus le contraire. » Le garçon reçoit la meilleure des éducations que l’argent puisse offrir. Quand il a 15 ans, son père lui donne un appartement à Londres et une carte American Express Centurion. « Je pouvais dépenser autant que je voulais, il réglait la note », se souvient Stunt. À 17 ans, il rencontre un marchand de pétrole libyen dans un club privé. L’homme lui demande s’il s’y connaît en hydro­car­bures. « Qu’est-ce que je ne connais pas au pétrole, vous voulez dire ? » bluffe-t-il. Il met le Libyen en relation avec un ami et, en un claquement de doigts, l’affaire est conclue, chaque partie lui reversant une commission de plus de 2 millions d’euros. Il se pique ensuite de fret maritime et se retrouve à la tête « de la plus grande flotte privée au monde », comme il l’a déclaré au magazine Tatler. Joueur avide, il prétend avoir gagné « le plus gros pari du monde » et empoché à cette occasion plus de 51 millions d’euros. Rapidement, ajoute-t-il, il devient célèbre, fréquentant les familles les plus puissantes de Londres : les Rothschild, les Goldsmith, les Al-Fayed. Quand il met le pied dans un casino, à Monaco, Las Vegas ou Macao, une ligne de crédit de près de 6 millions d’euros lui est ouverte.