Les journalistes, des alliés du peuple Recevez les alertes de dernière heure du Devoir
Les membres de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) tiennent leur congrès annuel cette fin de semaine. Les journalistes sont d’humeur morose, comme le thème de cette rencontre en témoigne : « Les journalistes, ennemis publics ? ».
Tel un écho au mantra de Donald Trump : les médias sont les ennemis du peuple. Les journalistes québécois croient qu’ils n’ont plus la cote. Mais est-ce vraiment le cas ?
L’enquête du Centre d’études sur les médias, que nous avons menée en octobre avec la maison CROP, montre au contraire que les Québécois manifestent une assez grande confiance envers les médias et les journalistes, surtout quand on compare avec la situation dans d’autres pays, comme la France ou les États-Unis, où la confiance est en chute libre.
La grande majorité des 1000 répondants à notre enquête (échantillon représentatif du Québec) disent faire « très » (16 %) ou « assez » (67 %) confiance aux médias de nouvelles et d’information en général et 72 % des personnes sondées font confiance aux journalistes (11 % seulement leur font très confiance). La prédominance du choix de réponse « assez confiant » révèle cependant une certaine réserve dans l’opinion exprimée.
Une confiance étonnante envers des médias en particulier
La confiance est plus évidente lorsque les répondants s’expriment sur des médias en particulier, qu’ils fréquentent et qu’ils connaissent bien. Ils font alors preuve de moins de retenue et le choix de réponse « très confiant » domine.
Ce cas de figure est très net pour les journaux La Presse et Le Devoir et pour les chaînes Radio-Canada (radio et télévision) et RDI. Les taux de confiance « très » et « assez » cumulés dépassent de plus la barre des 90 %. C’est aussi le cas pour les chaînes TVA et LCN et plusieurs quotidiens du Groupe Capitales Médias, mais la confiance se manifeste alors de manière moins forte avec une prépondérance pour le choix de réponse « assez confiant ». Le Journal de Montréal (83 %) et Le Journal de Québec (80 %) jouissent d’une confiance un peu moindre, mais plus qu’enviable.
Notre enquête montre enfin que seulement 34 % des répondants font confiance aux nouvelles publiées sur les médias sociaux. Ils font donc une nette différence entre l’information et les nouvelles diffusées dans les médias traditionnels, d’un côté, et les informations de diverse nature qui circulent sur les médias sociaux, de l’autre. Ce résultat est une autre bonne nouvelle pour le monde du journalisme dit « traditionnel ».
Dans ce contexte qui prête plutôt à l’allégresse, comment les journalistes en sont-ils arrivés à penser que « les citoyens se méfieraient d’eux » et les « accuseraient de tous les maux », selon les termes du programme du congrès de la FPJQ ? Est-on à ce point obnubilé par le clivage médiatique profond aux États-Unis qu’on en vient à percevoir notre monde à l’image du scepticisme envers les médias qui en découle chez nos voisins ? A-t-on exagéré l’importance des critiques virulentes que véhiculent les réseaux sociaux à l’endroit de certains journalistes et médias pour y voir à tort l’avis de larges segments de l’opinion ?
Quelques bémols
Manifestement, les médias et les journalistes québécois ont plutôt la cote. Quelques bémols s’imposent cependant, qui éclairent aussi la réserve dans les opinions exprimées dont nous avons fait état. Ainsi, 52 % des répondants considèrent que les journalistes se laissent manipuler par les politiciens et 62 % estiment que la qualité de l’information dans les médias s’appauvrit.
Fait à noter, les réponses aux diverses questions dans l’enquête montrent de fortes différences selon l’âge des répondants. Les répondants âgés de 18 à 34 ans se démarquent très nettement dans leurs rapports aux médias d’information traditionnels. Les plus jeunes sont beaucoup plus critiques envers le travail des journalistes et ils leur font moins confiance. Grands consommateurs de médias sociaux, ils expriment aussi une plus grande confiance envers ces derniers que les autres répondants et ils s’inquiètent moins de la circulation de fausses nouvelles.
Notre enquête confirme une fois de plus que les jeunes Québécois sont en train de redéfinir leurs façons de s’informer. Il y a là matière à réflexion pour les journalistes en congrès. Leur avenir en dépend.
Notre enquête a été menée durant la campagne électorale, une période au cours de laquelle les citoyens sont sans doute davantage soucieux de s’informer. En outre, le débat des derniers mois sur les difficultés financières des médias a mis en lumière l’importance de l’information dans une société démocratique. Il est possible que le contexte ait influencé certaines réponses.
Mais le niveau élevé de confiance des citoyens envers les médias qu’ils fréquentent ne peut tromper. Les journalistes auraient tort de trop s’inquiéter. Ils ne sont pas les mal-aimés qu’ils croient être et encore moins les ennemis du peuple !