Canada Goose renonce à la fourrure : une différence de réalité entre le Sud et le Nord

Lancée à Toronto en 1957, la marque est aujourd'hui présente dans le monde entier. Les fameux manteaux sont portés aussi bien en Europe, qu'en Asie, dans les rues de Vancouver ou dans l’Arctique canadien.

Les courses longue distance comme la Yukon Quest, l’Iditarod, mais aussi celles de 200 miles, personne ne va là sans capuchon avec une fourrure naturelle, c’est impossible, souligne la meneuse de traineaux à chien Marcelle Fressineau.

Celle qui a traversé les étendues glacées du Nord où le thermomètre chute sous les -50°C considère que la fourrure est essentielle, car elle permet de protéger le visage là où les fourrures synthétiques givrent et perdent toute efficacité.

Je n’ai jamais vu quelqu’un dans le Nord avec de la fourrure synthétique et ce n’est pas une question de mode, c’est vraiment indispensable, dit-elle.

À plus de 3000 kilomètres de Whitehorse, à Iqaluit, Mary-Lee Sandy-Aliyak, une couturière inuk, explique la décision de Canada Goose par l’étendue de leur marché.

Originaire de Coral Harbour, elle a travaillé la fourrure toute sa vie, comme sa mère et sa grand-mère avant elle. Son expertise lui a permis de collaborer avec Canada Goose pour le projet Atigi.

Elle ne voit pas l'aventure avec la compagnie se poursuivre sans l’utilisation de fourrure, mais croit qu'il y a là aussi de nouvelles occasions.

Canada Goose renonce à la fourrure : une différence de réalité entre le Sud et le Nord

Elle encourage d'ailleurs les artisans inuit à lancer des entreprises qui créeraient de la fourrure attachable et détachable qui pourrait être utilisée pour les manteaux Canada Goose.

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Comme pour tout dans le commerce, une porte se ferme, trois autres ouvrent, affirme Brian Melanson, le président de l’Association des trappeurs du Yukon.

Trappeur depuis son plus jeune âge, il cumule plus de 34 hivers passés dans la nature sauvage du Yukon à pratiquer cette part de son héritage familial et est déçu de voir une entreprise qui a eu une influence positive sur l’industrie de la fourrure ces dernières années s'en détourner.

Pour lui, le choix est purement financier et l’entreprise a simplement anticipé l’augmentation du prix de la fourrure.

Brian Melanson a commencé la trappe à l'âge de huit ans. Même s'il ne chasse pas en grande quantité, il sort chaque hiver pour recolter le nécessaire pour les créations de sa femme.

Photo : Philippe Morin

Il donne en exemple la fourrure de coyote. Canada Goose état le principal acheteur dans les ventes aux enchères. Leur choix de cette fourrure a fait passer les prix de 30-50 dollars à 150-200 dollars.

Canada Goose de son côté affirme avoir pris cette décision pour être plus durable, mais l'argument ne convainc pas Brian Melanson.C'est de la connerie! Ça n'a rien à voir. Ils ne le font pas pour être durables, ils disent ça parce que c’est un élément de langage qui fonctionne, dénonce-t-il.

Beaucoup voient dans l’après Canada Goose, l’essor d'entreprises locales. Au Yukon, c’est vers Skookum que les regards se tournent. Basée à Dawson, l’entreprise crée des manteaux faits au Nord, pour le Nord.

La copropriétaire et designer Megan Waterman affirme que Canada Goose a aidé à créer la réputation du Canada en matière de vêtements d’extérieurs haut de gamme dont Skookum profite.

La décision de Canada Goose la surprend.La fourrure est intrinsèquement verte, écologique, biodégradable, affirme-t-elle.

Elle concède que la fourrure n’est pas pour tout le monde et respecte ce choix en proposant des versions sans fourrure aux clients qui le demandent.

Bien qu'elle respecte la décision de Canada Goose, elle s'inquiète des effets sur le marché mondial. Skookum a fait justement le choix éthique de soutenir la fourrure puisque les trappeurs sont des intendants de la terre, que cela participe à la protection des habitats, dit-elle.

Megan Waterman souligne que sous l’influence du groupe de défense des animaux PETA, l’industrie de la fourrure canadienne a mis en place des pratiques de chasse sans cruauté. Elle voit dans une industrie saine un soutien pour les économies traditionnelles et autochtones locales.

Avec les informations de Toby Otak