Kaboul retient son souffle: le suivi du mardi 17 août

Kaboul a entamé une nouvelle journée sous l’autorité des talibans. Quelques magasins ont rouvert mais les bureaux de l’administration sont fermés. Le trafic automobile a repris mais de nombreux Afghans restent terrés chez eux, en particuliers les femmes. Les hommes ont troqué leurs vêtements occidentaux pour le shalwar kameez, l’ample habit traditionnel afghan. La télévision d’État diffuse désormais essentiellement des programmes islamiques.

Le numéro deux des talibans, le mollah Abdul Ghani Baradar, est rentré en Afghanistan. Il était le chef militaire des talibans quand il a été arrêté en 2010 au Pakistan. Il a été libéré en 2018, sous la pression en particulier de Washington.

George W. Bush appelle les Etats-Unis à évacuer les Afghans menacés.

Les talibans tiennent des postes de contrôle à travers la ville. Ils ont annoncé mardi matin une «amnistie générale» pour les fonctionnaires et les appellent à retourner au travail.

Le président Joe Biden a «fermement» défendu lundi soir (heure suisse) le retrait américain d’Afghanistan. La mission de Washington n’a jamais été de bâtir une nation démocratique dans le pays instable selon lui, mais «d’empêcher une attaque terroriste sur le sol américain». Tout au plus a-t-il admis que le pays était tombé «plus rapidement que prévu» aux mains des talibans.

Sur ce sujet: Joe Biden à propos de l’Afghanistan: «Je ne regrette rien»

Après les scènes de panique lundi à l’aéroport de Kaboul et la suspension des vols, des avions civils et militaires ont pu décoller dans la nuit. La France et l’Allemagne ont dépêché des militaires pour sécuriser les opérations d’évacuation. Vingt-huit ressortissants suisses sont encore en Afghanistan


■ Manifestation devant le bâtiment de l’ONU à Genève

Près de 300 personnes ont manifesté cet après-midi à la place des Nations, à Genève, contre la victoire des talibans. Devant le bâtiment de l’ONU, elles ont appelé la communauté internationale à soutenir le peuple afghan.

Les manifestants, d’origine afghane pour la plupart d’entre eux, sont venus de toute la Suisse. «Stop au terrorisme», «On veut la paix», «Kaboul saigne», «Afghan lives matter» ou encore «La Suisse ne doit pas rester silencieuse», pouvait-on lire sur des pancartes écrites en plusieurs langues.

Les orateurs se sont succédé au micro. S’exprimant essentiellement en farsi, mais aussi en allemand, en français et en anglais, ils ont notamment mis en garde contre le sort que les talibans vont réserver aux femmes, les privant de toute liberté. «Nous avons les mêmes droits que d’autres peuples», a déclaré une intervenante en larmes.


■ Première conférence de presse des talibans depuis leur arrivée à Kaboul

«Nous ne voulons pas d’ennemis intérieurs ou extérieurs», a déclaré Zabihullah Mujahid, le porte-parole des talibans, devant les journalistes. Il a aussi indiqué que la communauté islamique s’est engagée à respecter les droits des femmes dans le cadre de la charia.


■ L’ex-vice-président, Amrullah Saleh, se déclare président intérimaire du pays

L’ex-espion en chef du pays, ennemi juré des islamistes au pouvoir à Kaboul, s’est retiré dans la dernière région qui n’est pas encore entre leurs mains: la vallée du Panchir, au nord-est de la capitale. L’ancien vice-président a promis qu’il ne se soumettrait en aucun cas à eux, allant même jusqu’à se déclarer mardi président légitime.


■ Le numéro deux des talibans est rentré en Afghanistan

Le mollah Abdul Ghani Baradar, co-fondateur et numéro deux des talibans, est rentré mardi en Afghanistan, en provenance du Qatar où il dirigeait le bureau politique du mouvement.

«Une délégation de haut niveau menée par le mollah Baradar a quitté le Qatar et atteint notre pays tant aimé cet après-midi et atterri à l’aéroport de Kandahar», dans le sud de l’Afghanistan, a déclaré sur Twitter Mohammad Naeem, un porte-parole des talibans.

C’est la première fois qu’un très haut dirigeant en activité des talibans rentre publiquement en Afghanistan depuis qu’ils ont été chassés du pouvoir par une coalition menée par les États-Unis dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

Abdul Ghani Baradar, né dans la province d’Uruzgan (sud) et qui a grandi à Kandahar, est le co-fondateur des talibans avec le mollah Omar, décédé en 2013 mais dont la mort avait été cachée deux années durant.


■ La diaspora afghane se mobilise


■ Sondage: le soutien des Américains au retrait des troupes s’effondre

Face aux images de détresse venant de Kaboul après la victoire des talibans, le soutien des Américains au retrait de leurs troupes d’Afghanistan a brutalement chuté et la moitié des personnes interrogées désapprouvent la façon dont Joe Biden a mené ce départ.

Kaboul retient son souffle: le suivi du mardi 17 août

Seuls 49% des 1999 électeurs interrogés par Politico et Morning Consult du 13 au 16 août soutiennent la décision du président américain de quitter le pays, contre 69% en avril lorsque Joe Biden avait annoncé que tous les soldats américains quitteraient l’Afghanistan d’ici le 11 septembre.

Désormais 51% des électeurs interrogés critiquent la façon dont Joe Biden a géré ce départ. Et 45% estiment que les Etats-Unis ne devraient pas retirer leurs troupes si ce départ permet aux talibans de reprendre le contrôle du pays, comme cela est finalement arrivé.


■ La monnaie afghane plonge

L’afghani plonge face au dollar, alors que l’arrivée au pouvoir des talibans a poussé le gouverneur de la banque centrale à quitter l’Afghanistan. Il faut mardi après-midi 86 afghanis pour acheter un dollar, là où il n’en fallait que 80 vendredi dernier, soit une chute de plus de 6%, selon une compilation de l’agence Bloomberg.

C’est ce jour-là que la Banque centrale afghane, Da Afghanistan Bank, a appris que les «livraisons de dollars étaient interrompues», accentuant l’inquiétude sur le marché local, a affirmé son gouverneur Ajmal Ahmady sur Twitter.


■ Berlin s’inquiète des contrôles des talibans à l’aéroport de Kaboul

«Autour de l’aéroport de Kaboul, des postes de sécurité ont été mis en place par les talibans pour en contrôler l’accès», indique le ministère allemand de la Défense dans un rapport dont l’AFP a obtenu copie. Le ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, a ajouté lors d’une conférence de presse qu’il n’y avait «aucune garantie» de la part des talibans que les personnels locaux afghans prêts à être évacués par Berlin soient «autorisés à passer».


■ L’OTAN blâme «l’échec des autorités afghanes»

Les forces de l’OTAN ont été surprises par «l’effondrement politique et militaire des dernières semaines, avec une rapidité qui n’avait pas été anticipée», a reconnu le responsable norvégien lors d’une conférence de presse. Il a imputé la prise de pouvoir des talibans à «l’échec des autorités afghanes» et a défendu l’engagement de l’Alliance, tout en reconnaissant que des «leçons» devraient être tirées.

Dans l’immédiat, l’OTAN s’efforce de «garantir la sécurité» de son personnel civil et de ses employés afghans présents sur place. «Environ 800 civils travaillant pour l’OTAN sont restés (à Kaboul) pour assurer des fonctions cruciales dans des circonstances très compliquées, y compris le trafic aérien, la gestion des carburants et communications», a-t-il ajouté.


■ George W. Bush: Les Etats-Unis ont «la responsabilité» d’évacuer les Afghans menacés

Les Etats-Unis ont «la responsabilité et les moyens» d’évacuer les Afghans qui les ont aidés en Afghanistan, estime l’ancien président. «Les Afghans les plus menacés aujourd’hui sont ceux-là mêmes qui ont été à l’avant-garde du progrès dans leur pays», écrit dans un communiqué celui qui a déclenché il y a 20 ans l’offensive américaine en Afghanistan.

«Nous avons la responsabilité et les moyens de leur assurer une sortie sûre dès maintenant, sans délai bureaucratique», estime-t-il, rappelant que «le président Biden a promis d’évacuer ces Afghans».


■ Pékin hausse le ton envers les Etats-Unis

La Chine, voisine de l’Afghanistan, accuse les Etats-Unis de «laisser une terrible pagaille» avec leur retrait, la prise de contrôle des talibans ayant notamment entraîné des scènes de chaos à l’aéroport de Kaboul. Pékin s’est dit disposé à avoir des relations avec le nouveau régime afghan.

«Ils ont laissé une terrible pagaille, ont laissé ces endroits – l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan – dans un état désastreux. La puissance et la fonction des Etats-Unis, c’est de détruire, pas de bâtir», a ironisé Hua Chunying, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, en référence aux propos de Joe Biden.


■ La Russie et la Turquie estiment les signaux des talibans «positifs»

La Russie juge que les talibans envoient des signaux positifs en matière de libertés et de partage du pouvoir. «Le fait que les talibans à Kaboul proclament et démontrent dans la pratique leur disposition à respecter les opinions des autres constitue, à mon sens, un signal positif», a dit le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.

La Turquie procède à des discussions avec le mouvement islamiste radical. «Nous accueillons de manière positive les messages envoyés jusqu’à présent par les talibans, que ce soit aux étrangers et aux représentations diplomatiques, mais aussi à leur propre peuple», a déclaré le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue jordanien Ayman Safadi, à Amman.


■ L’Ouzbékistan met en garde contre toute violation de sa frontière

L’Ouzbékistan négocie sur ce point avec les talibans. «Nous déclarons aussi résolument que toute tentative de violer les frontières nationales sera réprimée de manière ferme», explique le ministère ouzbek des Affaires étrangères dans un communiqué.

L’Ouzbékistan a établi des contacts avec les talibans avant qu’ils ne reprennent le contrôle de l’Afghanistan, voulant éviter tout débordement sur son territoire. L’ex-république soviétique d’Asie centrale veut avant tout éviter l’émergence de groupes armés inspirés ou soutenus par les islamistes afghans, comme ce fut le cas à la fin des années 1990 et 2000.


■ L’Allemagne suspend son aide au développement

«La coopération au développement du gouvernement est actuellement suspendue», a indiqué le ministre au Développement Gerd Müller dans un entretien au quotidien régional Rheinische Post. Selon le chef de la diplomatie, l’Allemagne verse chaque année au total 430 millions d’euros d’aide à ce pays.


■ L’aéroport de Kaboul mardi


■ Les talibans poursuivent les pourparlers pour un futur gouvernement

Les pourparlers visant à élargir un futur gouvernement afghan au-delà des seuls membres des talibans se poursuivent à Kaboul. Des responsables impliqués dans les discussions de ce mardi espèrent «de bonnes nouvelles» d’ici un jour ou deux. Le chef principal des talibans, Amir Khan Muttaqi, a déjà tenu plusieurs séries de discussions avec les dirigeants politiques de Kaboul, dont Abdullah Abdullah, qui a déjà dirigé le Conseil de négociation du pays, et l’ancien président Hamid Karzai, indique The Times of India.


■ Mots forts du président allemand sur la situation à Kaboul: «une honte pour l’Occident»

Les scènes de détresse à l’aéroport de Kaboul sont «une honte pour l’Occident», juge le président allemand, Frank-Walter Steinmeier.

Il a insisté sur la «tragédie humaine» vécue par les Afghans qui tentent désespérément de quitter le pays et «dont nous sommes co-responsables».

L’Allemagne, qui comme les autres pays occidentaux tente dans la confusion de monter une opération d’évacuation, «doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre en sécurité» ses ressortissants «ainsi que tous les Afghans qui les ont soutenus pendant des années», selon lui.


■ L’ONU appelle les pays à interdire le renvoi d’Afghans vers leur pays

Les renvois forcés des ressortissants afghans vers leur pays, y compris les demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée, doivent être interdits selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). «Le HCR appelle les Etats à mettre fin aux retours forcés de ressortissants afghans dont il a été précédemment déterminé qu’ils n’avaient pas besoin de protection internationale», a déclaré une porte-parole, Shabia Mantoo, lors d’un point de presse à Genève.

La société civile se mobilise aussi pour l’accueil des Afghans. En moins de 24 heures, plus de 6800 personnes ont signé une pétition en ligne en faveur de l’admission immédiate d’Afghans en Suisse. Elle demande à la Confédération d’accueillir au moins 5000 personnes, qui cherchent une protection.


■ Vingt-huit ressortissants suisses encore sur place

L’ambassade de Suisse au Pakistan, qui assure la responsabilité consulaire en Afghanistan, est en contact avec 28 personnes. Les trois Suisses actifs au Bureau de la DDC à Kaboul ont quant à eux pu quitter le pays avec leurs homologues allemands dans un avion affrété par les Etats-Unis.

Le DFAE travaille intensément pour permettre le départ des employés locaux du bureau de la coopération suisse et de leurs familles proches, a-t-il ajouté. L’accès difficile à l’aéroport de Kaboul et les restrictions liées au trafic aérien ne simplifient pas les choses la situation à l’aéroport reste «très volatile».


■ Evacuations: la France exfiltre 45 personnes

Les pays occidentaux ont des difficultés à rapatrier leurs citoyens. Un avion militaire allemand qui a pu atterrir dans la nuit sur place, en provenance d’Ouzbékistan, n’a réussi au bout du compte à emporter avec lui que sept personnes, alors que des centaines d’autres attendent de pouvoir gagner l’Allemagne.

«En raison du contexte chaotique à l’aéroport et d’échanges de tirs fréquents à l’entrée, il n’a pas été possible de faire venir sur le site d’autres Allemands et personnes à faire évacuer», a indiqué un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Un Airbus A310 est attendu mardi après-midi à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle, avec à son bord 45 ressortissants français et de pays partenaires exfiltrés de Kaboul par les autorités françaises, a indiqué à l’AFP le Ministère français des armées. Plus tôt dans la matinée, la ministre des Armées Florence Parly avait annoncé l’arrivée aux Emirats des premiers exfiltrés. Avec ce premier vol, «nous avons posé les bases d’un pont aérien entre Kaboul et les Émirats arabes unis».

La France tout comme l’Allemagne ont débarqué des forces spéciales pour aider à sécuriser les opérations d’évacuation.


■ Les médias afghans tentent de s’adapter

Certaines chaînes de télévision afghanes ont retiré leurs présentatrices des plateaux. D’autres évitent de passer de la musique dans leurs programmes, raconte un journaliste afghan sur Twitter.

Mais le média afghan d’informations continues Tolonews envoie encore les femmes journalistes sur le terrain. Hier, un responsable taliban a accordé une interview à une journaliste d’une chaîne d’informations.


■ Berlin met la pression sur l’OTAN

Les représentants de l’organisation de sécurité se réunissent dans la journée en urgence. «La question va se poser pour nous de savoir si nous sommes prêts à assumer les conséquences, à prendre des mesures que nous avons jusqu’à présent laissées aux Américains», a estimé la ministre de la Défense allemande, Annegret Kramp-Karrenbauer, sur la chaîne de télévision ZDF.

Lire à ce sujet:Face aux talibans, une débâcle historique de l’OTAN

Cette déclaration survient quelques heures après la prise de position d’Armin Laschet, dirigeant du parti conservateur allemand d’Angela Merkel et candidat à sa succession à la chancellerie. Il a qualifié lundi le retrait des troupes occidentales de «plus grosse débâcle […] de l’OTAN depuis sa création» en 1949.


■ Les talibans annoncent une «amnistie générale» pour les fonctionnaires et les appellent à retourner au travail

«Une amnistie générale a été déclarée pour tous les fonctionnaires […], donc vous devriez reprendre vos habitudes de vie en pleine confiance», écrivent les talibans dans un communiqué.

Les talibans indiquent aussi vouloir former un gouvernement islamique «inclusif» avec d’autres factions. Ils négocient avec des politiciens dont certains issus de l’ancien gouvernement.


■ Les évacuations ont repris

Des vols militaires emportant diplomates et civils ont repris ce matin, selon une source occidentale citée par l’agence Reuters.

Hier, des scènes déchirantes se sont succédé toute la journée à l’aéroport, de personnes tentant désespérément de s’introduire dans un avion pour partir, et y laissant parfois la vie.Une autre image est reprise par de nombreux médias ce matin, diffusée par le site d’information spécialisées DefenseOne, celle d’un avion américain qui a dépassé de 2 à 3 fois la jauge officielle pour emmener un maximum de passagers. Ce vol dimanche a transporté un grand nombre de femmes et d’enfants vers le Qatar.