L'archevêché de Ferrare fait la paix avec Vivaldi après trois siècles de mise à l'index

Mieux vaut tard que jamais. L'archevêque de Ferrare, Giancarlo Perego a assisté, jeudi soir, à la représentation inaugurale du Farnace, l'opéra de Vivaldi dirigée par Federico Maria Sardelli dans l'enceinte du Teatro Comunale. Une présence significative et symbolique, près de trois siècles après l'interdiction par les autorités religieuses de Ferrare de la présence et de la présentation des œuvres du compositeur italien Antonio Vivaldi (1678-1741). Et la fin d'un profond malentendu entre le musicien et l'Église cette métropole historique d'Émilie-Romagne.

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«Par ce geste, nous voulons mettre un point final à une rupture qui avait besoin d'être pansée», a déclaré le chef d'orchestre Federico Maria Sardelli lors d'une conférence de presse, jeudi, en offrant à l'archevêque Giancarlo Perego une copie du livret du Farnace de Vivaldi. Un cadeau qui aurait été vécu comme un camouflet, au milieu du XVIIIe siècle, à une époque où le compositeur italien était devenu persona non grata à Ferrare. La genèse du différend remonte à 1737, dans les dernières années de la vie de Vivaldi. À l'initiative du cardinal Tommaso Ruffo, les représentations du Farnace attendues dans la cité avaient été interdites en raison de la réputation jugée trop sulfureuse du musicien qui, disait-on, ne célébrait plus la messe et entretenait une relation extraconjugale avec une chanteuse lyrique.

Soupçons d'impiété

Des rumeurs qui avaient un fond de vérité. Le compositeur baroque, alors âgé de 59 ans, ne pouvait plus chanter la messe en raison de difficultés respiratoires, peut-être de l'asthme, et d'une santé présentée comme valétudinaire. Quant à sa relation avec la chanteuse Anna Giró, elle n'aurait jamais dépassé les bornes de la décence et de l'amitié, même si elle lui valait bien des ragots. Tolérées à Venise, ces histoires étaient plus accablantes sur le territoire des États pontificaux, dont faisait alors partie Ferrare. «Vivaldi a plus d'une fois louvoyé entre les lignes de ce qui était acceptable, a remarqué pour l'agence AP l'historien de l'Église catholique Massimo Faggioli. Cependant, il avait fini par être rattrapé par le contrôle étroit que l'autorité de l'Église et du Vatican exerçait sur la culture.»

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Le déboire de la tournée de son Farnace, un opéra dramatique qu'il avait composé en 1727, a cependant valu à Vivaldi de sérieux ennuis financiers qui le poursuivent jusqu'à sa mort à Vienne, quatre ans plus tard. À défaut de sa personne, sa musique a, depuis, pu retrouver son chemin à Ferrare et jusque sur la scène du Teatro Comunale. Ce qui n'a pas été le cas de son Farnace. Jusqu'à cette semaine. «Nous avons souhaité rendre à Vivaldi ce qui lui a été enlevé ici, à Ferrare», a déclaré jeudi le directeur artistique du Teatro comunale, Marcello Corvino, heureux de mettre fin à ce malentendu.

Épilogue de ce froid séculaire entre l'Église de Ferrare et le compositeur italien, l'archevêque Giancarlo Perego a salué la représentation de l'opéra, aussi tardive soit-elle. L'homme d'Église a publiquement admis que la réputation et la probité de Vivaldi et de la Giró étaient bien attestées et que son auguste prédécesseur, le cardinal Ruffo s'était manifestement laissé méprendre par des rumeurs. Trois siècles de fake news vivaldiennes se referment ainsi. En musique.