Sneakers et sapes : le bootleg c'est quoi et comment ça fonctionne ?

On a tous été confronté au bootleg au moins une fois dans notre vie. En effet, qui n’a jamais vu quelqu’un rocker une paire de Yeezy 350 aux couleurs de Gucci ou encore des modèles de Nike estampillés Off-White alors que ceux-ci n’ont jamais vu le jour IRL ? Bref, que des collabs toutes plus improbables les unes que les autres, et qui nous font parfois beaucoup rire. Sur le papier, on pourrait croire que le bootleg s’apparente à de la copie. Mais dans les faits, c’est plus compliqué. En réalité, le bootleg c’est la réappropriation de ce que font les marques pour créer un produit nouveau. Il vous suffit par exemple de récupérer les fameux monogrammes Vuitton ou encore les imprimés de chez Gucci pour les apposer sur un t-shirt, et le tour est joué.

Quand on pense aux bootlegs, il nous vient tout de suite à l’esprit les copies douteuses de Wish. Pourtant, certains designers de renom ont également fait de la pratique leur gagne-pain. C’est le cas de Demna Gvasalia. Le directeur artistique de Balenciaga et fondateur de la marque « Vetements » est connu pour reprendre à son compte des logos dans ses « créations ». Parmi les plus mémorables on retrouve le Balenciaga façon Mastercard, ou encore le Vetements x DHL. Plus surprenant, ce dernier est allé jusqu’à reprendre l’identité graphique de la campagne présidentielle de 2016 de Bernie Sanders…

Si le CV est moins ronflant que celui du géorgien, vous êtes peut-être déjà tombé sur les inspirations d’Imran Potato. Dans le milieu du bootleg, Imran est tout aussi connu que Gvasalia grâce à ses reprises des monogrammes Vuitton dans des couleurs flashy. Dernièrement il les a imprimés sur un modèle de Yeezy Foam Runner. Une paire qu’il affectionne tout particulièrement, comme ici dans sa version « Lobster ».

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Le détournement de sneakers (et pas uniquement) n’est pas nouveau. Sans pouvoir établir une date de début du phénomène, un des premiers bootleg connu remonte à 1985 avec la Sang Jordan 1. La paire reprend le shape et le colorway de la Air Jordan 1 OG à l’exception du Swoosh, remplacé par un logo en forme de flèche semblable à celui d’Off-White. Parmi les autres bootlegs emblématiques, on retrouve la Bapesta (2002) de la marque japonaise « A Bathing Ape », inspirée d’une Air Force 1 et popularisée à l’époque par Kenye West, Pharrell époque NERD, ou encore les Daft Punk. Enfin, pour les nostalgiques de l’époque G-Unit, le modèle Reebok S Dot Carter lancé par Jay-Z en 2003 d’après les Gucci Tennis 84, devrait forcément vous dire quelque chose.

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A ce moment-là du papier vous vous demandez peut-être si on peut toujours parler de bootleg tant les exemples donnés sont des reprises quasi identiques aux originaux. Il est vrai que quand des marques comme Fugazi de Trevor Gorji reprennent le design d’une Air Jordan 1 avec la « One in the chamber », la frontière entre le détournement et la copie est difficile à cerner.

Qu’en pensent les marques ?

Dans la mesure ou le principe du bootleg est de créer des nouvelles pièces, les marques ont tendance à laisser passer les reprises douteuses, car il arrive aussi qu’elles s’en inspirent. On pense à Gucci sur plusieurs articles x Disney, ainsi que d’autres de sa collection « Guccy ». La marque du groupe LVMH est même allée encore plus loin en se rapprochant de l’artiste new yorkais Dapper Dan. Dans les années 80, Dapper Dan est une figure de la culture hip-hop. Il est considéré comme le roi de la logomania pour ses reprises des monogrammes des grandes maisons telles que Vuitton ou Gucci. 26 ans plus tard, en 2018, la marque de luxe italienne décide de s’associer à lui avec la sortie d’une collection reprenant ses bootlegs de l’époque.

Mais les histoires ne finissent pas toujours aussi bien que celle-ci. Il arrive que les marques se rebiffent. Récemment, Nike n’a pas apprécié de voir son image être associée au diable avec la Air Max 97 Satan de Lil Nas X et MSCHF. Et ce alors même que le modèle « Jesus » contenant de l’eau bénite dans la bulle d’air sorti quelques mois plus tôt ne semblait lui poser aucun problème… En fait, tout dépend de la hype autour du modèle et des éventuelles retombées pour la marque. Car dans certains cas, les bootlegs peuvent relancer l’engouement autour d’une paire. Si Nike décide un matin de sortir une Air Max 97 avec des couleurs similaires à celles de la « Jesus Shoes » imaginée par MSCHF, la firme de l’Oregon pourrait faire un carton comme elle l’a fait avec la Jordan 1 Mocha peu après la sortie des Jordan 1 Travis Scott.

La condition est toujours de ne pas aller trop loin dans le détournement. Surtout, de ne pas trop en tirer profit. Waren Lotas en sait quelque chose… L’artiste de Los Angeles, qui s’est entre autres fait connaître pour ses vêtements reprenant les logos des plus grandes franchises NBA, l’a appris à ses dépens lorsqu’il a voulu se lancer dans le design de sneakers en réinterprétant la Dunk à sa sauce. Waren Lotas a alors repris quelques coloris iconiques comme ceux de la Dunk Heineken ou Pigeon. C’est justement ce dernier modèle qui va faire éclater la polémique à l’été 2020, dès lors que son fondateur Jeff Staple partage la création de Lotas sur ses réseaux.

La réaction de Nike ne se fait pas attendre. Dans un communiqué la marque explique « Warren Lotas a intentionnellement créé la confusion, et il tente d’en tirer profit, en utilisant la marque Dunk enregistrée par Nike ». Une plainte est carrément déposée à son encontre. Finalement, Warren Lotas décide, pour ceux ayant déjà précommandé les fausses Dunk, de leur envoyer un tout autre modèle à l’empreigne totalement revisitée et sans aucune trace du swoosh. La WL Reapper est née. Malgré lui…

L’attaque est au bon vouloir des marques. Au début des années 2000, quand le graffeur passionné de sneakers Ari Forman sort la Ari Menthol 10s, un bootleg de la AF1 aux multiples références à Nike (swoosh inversé) et surtout à Newport Tobacco (packaging en forme de paquet de cigarettes), ce n’est pas la firme de l’Oregon qui lui tombe dessus mais bien Newport Tobacco. Le cigarettier lui a intenté plusieurs procès, tous perdus par Ari…

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Copie ou génie, le bootleg n’a pas fini de faire parler dans un monde de la mode jugé en manque d’inspiration. Le détournement est parfois associé au sampling largement utilisé dans la culture hip-hop. La vraie question est, détourner pour améliorer ou magnifier est-il synonyme de copier ? Les procès intentés par les marques répondent en partie à la question.

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