L'entreprise hybride post-Covid, l'équilibre entre le virtuel et le réel

Si le mode "hybride" permet de restreindre considérablement le phénomène d'isolement que nous sommes nombreux à avoir connu durant les phases de confinement, il apporte son lot de complexité. Il va être tentant, pour certains, de repartir sur les modes de fonctionnement pré-Covid. D'autres viendront au bureau en étant dans la même logique qu'à la maison : dans leur bulle ! Tout l'enjeu pour les entreprises va donc être de parvenir à optimiser la performance et la qualité de vie des collaborateurs en exploitant le meilleur des deux mondes, physique et numérique.

Prendre en compte l'hybridation dans les pratiques de management

La mise en place du mode "hybride" sans transformation préalable des pratiques managériales présente un certain nombre de risques : mauvaise circulation de l'information, difficultés de coordination, multiplication des réunions, cohésion d'équipe fragile, individualisation de la performance, risques psychosociaux. Pour les limiter, quatre axes sont à travailler en priorité par les managers et leurs équipes.

Sensibiliser les collaborateurs aux risques d'une « double culture » orale et écrite

Alors que dans les équipes partageant un même espace physique de travail, la collaboration peut reposer sur des échanges informels et/ou implicites, au sein d'une équipe hybride elle doit reposer sur un partage essentiellement formalisé de l'information. Cela peut paraître étonnant, alors que les co-équipiers sont amenés à continuer à se voir physiquement régulièrement. Mais, les outils collaboratifs sont le seul "dénominateur commun" entre les collaborateurs à distance et ceux en présentiel. Leur utilisation est la seule garantie d'un accès homogène à l'information. Avec l'hybridation du travail, les cultures écrite et orale coexistent. Le manager devra sensibiliser ses collaborateurs aux risques de désynchronisation des membres de l'équipe et inciter à la formalisation des informations utiles à tous.

Exploiter le meilleur des deux mondes

La tentation peut être grande, pour le manager d'une équipe hybride, de vouloir se rassurer -même si c'est par écran interposé - du plein engagement de ses collaborateurs qu'il voit moins. Il va alors être à l'initiative de multiples réunions dites de coordination. S'il est clé, pour une équipe qui fonctionne en "mode hybride", de disposer de routines communes, il faut éviter à tout prix la réunionite. Elle impose aux télétravailleurs le même rythme qu'aux collaborateurs sur site. Or, l'un des atouts majeurs du télétravail est qu'il favorise la concentration, le travail sur des tâches de fond.

Entretenir la dynamique collective

Si la configuration hybride permet aux collaborateurs de continuer à se voir, à avoir des échanges informels, notamment lors des journées en présentiel, les points de contact au sein de l'équipe seront moindres. Le manager va donc devoir redoubler d'efforts pour entretenir la dynamique d'équipe.Pour cela, il pourra par exemple encourager les travaux et l'entraide entre pairs, les feedbacks. Il pourra aussi veiller à associer ses collaborateurs aux décisions et à la recherche de nouvelles idées.

Se retrouver physiquement, en équipe, à échéance régulière

L'entreprise hybride post-Covid, l'équilibre entre le virtuel et le réel

Se retrouver tous, en face à face est absolument nécessaire. Le rythme de ces rencontres peut varier et doit dépendre du niveau de maturité de l'équipe, mais les collaborateurs doivent pouvoir matérialiser le collectif auquel ils appartiennent. Par ailleurs, certains sujets ne peuvent être abordés qu'en présentiel et en présence de tous. C'est le cas du traitement des sujets complexes ou des sujets plus impliquants émotionnellement. Ces moments en présentiel seront aussi l'occasion de redonner du sens, rappeler le cap. L'expression des désaccords sera également clé. Elle permettra entre autres d'améliorer en continu l'organisation du travail.

Les efforts ne sont pas à porter uniquement sur le management ou l'accompagnement des collaborateurs, il est aussi temps de repenser l'usage des bureaux.

L'espace de travail hybride et le symbolisme du siège social

Bientôt un an après le premier confinement, les entreprises commencent à tirer le bilan de l'inoccupation de leurs locaux et aussi de la productivité des équipes décentralisées à leur domicile pour la plupart. Dans leur grande majorité, elles expérimentent une forme de télétravail et pour certaines une continuité d'activité à distance. La situation ne semblant pas évoluer vers un retour massif en full office, des solutions alternatives se dessinent en attendant l'émergence d'un modèle hybride.

Le flagship va rester, il est nécessaire / essentiel de conserver une incarnation du siège social qui va consolider le sentiment d'appartenance, un lieu de destination pour les différentes parties prenantes. Si le siège social justifie son existence physique, le poste de travail s'est -lui- rapidement dématérialisé, un processus facilité par le déploiement des outils de communications unifiées et collaboratives embarqués sur les différents terminaux : smartphone, tablette ou ordinateur portable. De fait, les entreprises revoient leurs modèles d'organisation à l'aune de leurs nouveaux besoins.

Du flex office généralisé aux espaces de cocréation

Avec les réflexions sur le nombre de jours de présence sur site qui seront imposés demain, le débat s'ouvre sur la transformation des espaces attribués - que sont le bureau individuel et l'open space - en espaces flexibles. L'absence de poste de travail attitré n'a jamais suscité un enthousiasme fou de la part des collaborateurs en France, mais allié à la possibilité du travail à domicile, il devrait gagner le cœur des plus récalcitrants. Car c'est la globalité du projet qu'il faut embrasser, en associant les équipes à une redéfinition de la fonction des bureaux.

Il est effectivement peu probable que l'on revienne demain dans l'entreprise pour s'enfermer seul dans un bureau individualisé. L'entreprise de demain favorisera les espaces d'échanges, et peut-être moins ceux dits de convivialité. Le besoin de sociabilisation des équipes est réel et le confinement nous a sensibilisé à la force de l'informel. Ce qui plaide, ainsi, pour une redéfinition attractive de l'aménagement des espaces dans le but de favoriser les rencontres, l'échange et le travail collaboratif. Ces espaces modulables, nouveaux hubs sociaux, laissant libre cours à la créativité doivent pouvoir apporter la flexibilité nécessaire à la dynamique de groupe comme aux têtes-à-têtes. L'idée étant de copier l'esprit du coworking en le transposant au sein de l'entreprise.

Le coworking, variable d'ajustement

D'ailleurs l'offre de coworking est peut-être une solution additionnelle. Après cinq années de développement de l'offre, en particulier dans les grandes agglomérations, le télétravail et les mesures de distanciation ont freiné son développement en 2020. Si Paris est bien dotée en termes de surface, de diversité de l'offre et du nombre d'opérateurs, elle reste inférieure à New York ou Londres. Pourtant le coworking apparaît comme une solution alternative ou complémentaire aux projets de réduction des bureaux ou aux stratégies Flex office des entreprises. Ils offrent aux collaborateurs une opportunité de retrouver un environnement de travail, pas trop éloigné de leur domicile sans être le domicile. Car pour beaucoup dans les grandes villes, la cuisine, la chambre ou le salon sont devenus le lieu de l'exercice de leur travail.

Ces espaces de coworking répondent aussi à l'effort financier demandé aux entreprises qui souhaitent réduire leurs coûts immobiliers (charges, taux, locations) et qui commencent à tirer les leçons du télétravail.

L'entreprise hybride est en cours de définition, son périmètre, ses pratiques vont évoluer, pourtant se dessinent déjà des nouvelles pratiques managériales héritées des enseignements du confinement et du télétravail.Dans un second temps, la structure même des locaux de l'entreprise va évoluer, elle aussi, vers plus d'espaces collaboratifs.

Caroline del Torchio et Jean-Denis Garo (*)

6 mn

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