Plan social chez Comptoir des cotonniers : «On ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi fort»

La crise sociale qui succède à la crise économique continue de toucher le secteur de la vente textile. Les salariés de Comptoir des cotonniers ont appris la semaine dernière que 217 emplois devaient être supprimés. Une vraie saignée puisque le plan de licenciements concerne 40 % des effectifs de la marque de vêtements, détenue par le géant japonais de l’habillement Fast Retailing. Selon une source proche du dossier citée par l’AFP, 68 emplois de Princesse Tam Tam, marque détenue par le même groupe, sont également menacés, ce que la direction n’a toujours pas confirmé. «On ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi fort, explique à Libération Nathalie Michel, déléguée syndicale CGT de Comptoir des cotonniers. Pour les salariés, ça a été un gros choc. On a appris la nouvelle par un mail envoyé un lundi après-midi, avec une vidéo… Les salariées de 55 ans, dans des petites villes de province, comment vont-elles retrouver du travail ?»

Une mobilisation compliquée

La direction a de son côté confirmé avoir présenté début février aux instances représentatives du personnel des deux marques «un plan consistant à fermer en France, entre [août] 2021 et [mars] 2022, 24 magasins Comptoir des cotonniers et 7 magasins Princesse Tam Tam, ainsi que l’ensemble des corners et points de vente en grands magasins». Soit la bagatelle de 50 points de vente pour la première marque et une vingtaine pour la seconde, en particulier dans les Galeries Lafayette et Printemps.

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Selon Nathalie Michel, la direction a fixé la fin des négociations au 11 mai. Mais, entre la crise sanitaire et la fermeture des magasins, la mobilisation est compliquée : «On se doute qu’ils vont aller jusqu’au bout sur la fermeture des magasins, confie celle qui est depuis vingt-deux ans dans la boîte et dont la boutique à Angoulême doit fermer. Avec des magasins éclatés dans toute la France, une à trois personnes en moyenne dans la majorité des boutiques, c’est difficile.» La syndicaliste dit vouloir «se battre lors des négociations pour obtenir le maximum pour les salariés», au moins autant que ce qui avait été obtenu il y a deux ans lors du PSE au siège de Fast Retailing France.

«La situation n’a cessé de s’aggraver»

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Les propriétaires du groupe Nelson, Tony et Georgette Elicha (parents d’Alexandre, Laurent et Raphaël, fondateurs de The Kooples), avaient créé en 1995 la marque Comptoir des Cotonniers, qui s’était fait connaître par ses pubs dans lesquelles de «vraies» mères et filles posaient avec des fringues du même style. En 2005, elle est rachetée par le groupe japonais Fast Retailing, qui détient notamment le mastodonte Uniqlo. Quelques mois plus tard, Princesse Tam Tam est également racheté. Ces deux marques françaises étaient alors en pleine expansion, certains parlent même de «success-story». Fast Retailing avait promis leur développement en dehors de l’Hexagone. Mais cela n’a jamais pris, et les mauvais résultats financiers ont succédé, ces dernières années, aux fermetures de magasins.

La direction évoque d’ailleurs une conjoncture qui précède la crise sanitaire : «Les marques Comptoir des Cotonniers et Princesse Tam Tam connaissent des difficultés depuis plusieurs années et malgré les efforts déjà réalisés, la situation n’a cessé de s’aggraver. Toutes deux sont très fortement impactées par la crise du marché de l’habillement.» Dans ses résultats trimestriels, Fast Retailing monde annonçait uniquement que la «marque française Comptoir des cotonniers a subi une baisse du chiffre d’affaires et une perte opérationnelle plus importante après avoir été contrainte de fermer temporairement tous [ses] magasins en France pendant environ un mois à partir de fin octobre».

«Choix de gestion inadaptés»

Pour Nathalie Michel, de la CGT, la conjoncture économique est loin de tout expliquer : «Nos dirigeants ont multiplié les choix de gestion inadaptés. Ils voulaient faire un Uniqlo premium, avec des collections de plus en plus réduites, quelques modèles déclinés en 15 couleurs… Cela fonctionne très bien pour leur typologie de magasins mais ils ont essayé d’adapter ça à des concepts totalement opposés. La direction japonaise veut trop diriger nos collections.» Après avoir réclamé une direction artistique située en France, «plus proche des clientes», les équipes ont finalement obtenu gain de cause il y a un an. Pas encore suffisant, regrette Nathalie Michel, pour reconquérir la clientèle : «Dernièrement, des clientes que je connais depuis des années venaient et me disaient prendre deux tee-shirts pour me faire plaisir car elles ne trouvaient rien à leur goût.»

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Le bilan financier de Fast Retailing depuis septembre est en tout cas au beau fixe. Dans ses résultats annoncés en janvier, le groupe annonce un bénéfice net de 70,3 milliards de yens (544 millions d’euros), quasi stable sur un an (-0,6 %). Le groupe confirme d’ailleurs ses prévisions pour l’année, et en février Fast Retailing est devenu le numéro 1 mondial de l’habillement en termes de capitalisation boursière, dépassant Inditex, le propriétaire de Zara et Pull & Bear. Une bonne santé du groupe à travers le monde qui se matérialisera également en France. Quelques mois après que Fast Retailing a annoncé le licenciement de plus de 200 salariés, l’ancienne et symbolique Samaritaine, située rue de Rivoli à Paris, doit accueillir un magasin de 20 000 m² d’Uniqlo, vaisseau amiral du groupe japonais.