Les 100 romans qui ont le plus enthousiasmé « Le Monde » depuis 1944

Le démon de toute liste s’appelle arbitraire. Plutôt que de l’exorciser, mieux vaut le reconnaître d’emblée : chères lectrices, chers lecteurs, la liste que vous allez découvrir ne prétend pas dresser un palmarès objectif, ni un panorama représentatif de la littérature depuis 1944, date à laquelle Le Monde est né.

Plus modestement, elle reflète quelques moments d’une histoire fondatrice, puisque notre journal célèbre les livres depuis l’origine. Cette histoire, c’est l’aventure du Monde et de ses plumes à travers la littérature de ces sept dernières décennies. Aventure forcément subjective, emportée par une foule de sentiments humains, curiosité, admiration, ferveur, bien sûr, mais aussi agacement, ennui ou flemme…

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Le 9 novembre 1968, Pierre-Henri Simon, alors feuilletoniste du « Monde des livres », bat sa coulpe auprès du lectorat. Pour expliquer comment il a pu totalement passer à côté du roman d’Albert Cohen Belle du Seigneur, qui connaît un immense succès, il invoque « un motif peu honorable de paresse » et ajoute : « Mais nous avons des circonstances atténuantes. Quand, parmi les six ou huit paquets quotidiens dont nous comble la générosité des éditeurs, nous en ouvrons un qui contient, épais de cinq centimètres en grand format, un volume de 850 pages de marges discrètes, de paragraphes proustiens et de fins caractères, on a plutôt envie, surtout durant les semaines de vacances, de chipoter deux heures une nouvelle de Françoise Sagan ou le dernier fascicule du Journal de Jouhandeau. En quoi, bien sûr, on a tort, car il ne faut jamais oublier que les grands romans ont le droit d’être gros… »

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La réalité matérielle des livres qui affluent chaque matin, imposant leur poids de désir et de culpabilité, tout part de là.

« Il m’arrive en ce moment dix livres par jour », confiait en 1946 le premier feuilletoniste du Monde, Emile Henriot. « Sur la centaine de livres reçus chaque semaine, comment choisir ? », demandait près de quatre décennies plus tard, en 1982, Bertrand Poirot-Delpech, qui tint le feuilleton à partir de 1972. Laissons passer encore quatre décennies ou presque pour en venir à aujourd’hui, et nous constatons que les critiques du Monde ne reçoivent plus dix mais cinquante, parfois cent livres par jour… Cent ! La présente liste n’en compte pas plus pour une période de soixante-quinze ans.

Vertige de la sélection nécessairement partielle, fatalement partiale, et dont l’imperfection même fait à la fois la fragilité manifeste et la puissance d’élucidation. « Piloter à vue entre la crainte de négliger un génie et la tentation d’en voir partout, si vous croyez que c’est facile ! », ironisait Bertrand Poirot-Delpech, et nous avons nous-mêmes ressenti ce dilemme en établissant la liste.

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