Décision publique et participation citoyenne en Europe

L’hypothèse la plus probable est que la crise de nos démocraties n’est pas qu’un trou d’air, après lequel le retour à la normal serait acquis. Un regard sur le passé suffit à le faire comprendre : l’histoire ne s’arrête pas, et les régimes qui ne se renouvellent pas sont destinés à décliner. Or, les nouveaux défis s’accumulent. Le modèle de développement capitaliste adopté depuis les années 1970 a permis une croissance importante mais s’est payé par la montée des inégalités et de la précarité.

Les États-nations, qui constituaient le cadre dans lequel les démocraties s’étaient moulées, voient leur importance diminuer, tandis que des acteurs globaux comme les firmes transnationales pèsent d’un poids croissant. Les réseaux de gouvernance dans lesquels les institutions élues coopèrent avec des organisations internationales, des comités d’experts et des acteurs privés se développent. L’Europe, qui était encore il y a moins d’un siècle au centre du monde, se trouve provincialisée par le basculement du globe vers les pays émergents. Le mode de production et de consommation typique de l’ère industrielle a débouché sur une déstabilisation de l’écosphère, et les générations futures risquent de vivre sur une planète plus inhospitalière. Les mutations sociales s’accélèrent : internet et les réseaux sociaux ont bouleversé la sociabilité. La révolution numérique en cours va accentuer le phénomène. Face à ces évolutions, les systèmes politiques mis en place après la Seconde Guerre mondiale font comparativement du sur-place. Pire, avec la perte croissante de substance et de légitimité des partis politiques, ils semblent de plus en plus éloignés des citoyens ordinaires. Quoi d’étonnant à ce que nos démocraties soient déstabilisées ?

Le jeu politique institutionnel semble aux yeux des citoyens largement réduit à des querelles de boutiques et des intérêts personnels. Du coup, la parole publique est dévalorisée. C’est sur ce fond de crise qu’il faut comprendre le recours à des outils participatifs. D’un côté, des mouvements sociaux demandent une démocratisation du processus de prise de décision. De l’autre, des responsables politiques et administratifs se tournent vers la participation institutionnalisée par conviction – ou plus prosaïquement pour éviter d’être contestés dans la rue et dans les élections.

Décision publique et participation citoyenne en Europe

Ce mouvement n’est pas propre à un pays, ni à une tendance politique. Il est loin d’être spécifique à l’Europe. La participation citoyenne est au contraire un champ où les transferts s’effectuent entre les pays du Sud et ceux du Nord, et ce dans les deux sens. L’exemple des budgets participatifs, qui permettent d’associer des citoyens à la répartition des finances publiques, est parlant : inventés au Brésil, ils ont ensuite été importés dans nombre de villes européennes. Des idéaux, des savoirs et des techniques se constituent et s’échangent entre mouvements citoyens, ONG, bureaux d’études, responsables politiques et administratifs, universitaires ou experts, fonctionnaires internationaux.