Entretien avec Pépito Elhorga : « Quand on quitte cette bulle dans laquelle on vit depuis tant d’années, on est un peu déconnecté de la réalité »

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Bonjour Pépito, est-ce que vous pouvez faire un retour sur votre carrière ?

J’ai débuté le rugby à l’âge de six ans, dans le club de Sare, qui évolue actuellement enquatrième série. J’ai débuté là-bas, car ma famille était du Pays Basque et de cette ville-là, donc j’ai naturellement joué dans ce club. J’ai fait l’école de rugby, puis à l’âge de 14/15 ans, je suis parti à Saint-Jean de Luz et c’est là où le rugby est devenu un peu plus sérieux. Je suis resté un an et on a obtenu un titre de champion de France Balandrade. Biarritz m’a ensuite contacté et j’ai joué de 1996 à 1999 pour le BO, où je suis arrivé en tant que junior et où j’ai eu la chance de faire quelques apparitions avec l’équipe une. Le SU Agen m’a ensuite repéré en 1999. J’ai joué pour eux de 1999 à 2007. Et de 2007 à 2012, j’ai joué à Bayonne. Au niveau des sélections en équipe de France, j’ai eu ma première en 2001 face à la Nouvelle-Zélande et la dernière face à l’Australie en 2008, comptabilisant au total 18 sélections.

"C’était une passion et un rêve de jouer au haut niveau"

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Comment es-tu arrivé dans le rugby ?

Je suis né en Côte d’Ivoire, mais j’avais beaucoup de famille au Pays Basque donc tout petit, je suis venu ici au pays. Quasiment tous mes frères ont joué au rugby, mon père aussi. J’ai un de mes frères qui a joué au haut niveau, à Biarritz, et très longtemps à Angoulême. Il s’appelle Jean-Philippe Elhorga. Il a, à son actif, une tournée en Afrique du Sud en 1998. Donc, naturellement, tout le monde baignait rugby dans la famille et j’ai débuté dans ce sport. J’ai aussi fait de la pelote basque en parallèle, sport très apprécié là-bas, pratiquant les deux sports pendant très longtemps.

Comme tu dis, avec la famille, ça a été naturel d’aller dans le rugby ?

Oui, c’était vraiment naturel. Ce qui a aussi facilité la chose, c’est que la maison dans laquelle on était se trouvait à 50 mètres du terrain de rugby. Donc dès que j’ai posé mes valises ici, deux, trois mois après j’étais sur le terrain.

Est-ce que tu as su rapidement que tu allais faire carrière dans le rugby ?

C’est venu sur le tard, car c’était une passion et un rêve de jouer au haut niveau. Quand je jouais à Sare, disons que ce n’était pas possible. Je voyais jouais des Blanco ou des gars qui me faisaient rêver. Mais pour moi, ce n’était pas un objectif de jouer au très haut niveau, car je pensais que je n’avais pas les moyens. Je m’amusais sur le terrain, je prenais beaucoup de plaisir à jouer au rugby. Mais j’étais un gagneur, je ne lâchais jamais rien et je pense que c’est ce qui a fait que petit à petit, je me suis dit : « Tiens, je peux peut-être essayer de faire quelque chose. » C’est venu par étapes et surtout quand les clubs ont commencé à me solliciter, avec celui de Biarritz dans un premier temps et qui était à l’époque le club phare d’ici avec l’Aviron Bayonnais. Je me suis dit que s’ils me contactaient, c’est que je ne devais pas être très mauvais, donc j’ai décidé d’être sérieux, pour voir ce que ça donnerait et quand l’autre club prestigieux d’Agen a débarqué et m’a dit qu’ils aimeraient me récupérer, je me suis dit que j’allais foncer. Je suis parti avec ma femme, c’était l’aventure. Je signe en 1999 et en 2001, ça a été très vite, j’ai eu ma première sélection.

"Ma carrière s’est faite avec beaucoup de blessure"

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Pour parler justement de l’équipe de France, tu as eu 18 sélections, tu comptes un Grand Chelem en 2004. Est-ce que tu es fier de ton parcours en Bleu ou tu aurais aimé avoir plus de sélections ?

Je retiens uniquement du positif, car je sais d’où je viens et les efforts que j’ai dû faire pour arriver jusqu’ici. Après, je pense que j’aurais pu avoir plus de sélections, malheureusement ma carrière s’est faite avec beaucoup de blessures. Il a fallu à chaque fois interrompre ma progression pour travailler physiquement et revenir au plus haut niveau. Il y a eu des cassures durant toute ma carrière, ce qui fait que je n’ai pas forcément était très régulier avec l’équipe de France.

Ton expérience à Agen, qui est la plus grosse étape de ta carrière, tu en retiens quoi ?

On ne garde que du positif. On est arrivé à deux, comme je disais, avec ma femme. On a eu trois enfants là-bas. Il faut savoir que c’est un club qui est très famille, la ville vit énormément pour le SUA. On était vraiment dans une bulle. On partageait beaucoup de choses avec la ville, les supporters, c’était une grande famille. On s’est fait beaucoup d’amis sur comme en dehors du terrain.

Pour parler de ce terme famille, ça a toujours été quelque chose d’important pour toi ?

Oui énormément, car moi, j’aime bien être bien entouré. Quand tout se passe bien dans un secteur, j’aime y rester. Il est clair que moi, quand j’ai signé à Agen, je n’étais pas tranquille, car je quittais le milieu familial basque. Ce n’était pas évident, mais je sentais qu’il fallait que je parte, car j’étais un peu trop bien au Pays Basque, que j’étais dans un confort et donc je me suis fait du mal, car il faut en partir du Pays Basque. Ce n’est pas évident quand on est d’ici. Et franchement, l’accueil du côté d’Agen a été splendide, que ce soit les dirigeants, les joueurs en place comme Philippe Benetton, Abdelatif Benazzi, Jean-Jacques Crenca, tous les anciens qui nous ont accueilli, nous, les jeunes et qui nous ont mis en confiance. Ça a été très important pour nous.

"Je pense qu’Agen a toujours su rebondir et revenir dans la compétition"

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Tu dirais qu’Agen a été ton plus gros challenge ?

Oui, ça a été mon plus gros challenge, parce qu’au départ, je ne me voyais jamais quitter le Pays Basque. J’avais toute ma famille ici, je jouais pour Biarritz. Mais je crois que j’ai bien fait de partir parce que ça n’est pas dit que j’aurais pu faire une telle carrière si j’étais resté. J’étais trop bien et je vivais un peu sur mes facilités, je ne me faisais peut-être pas assez mal aux entraînements. Du coup, de couper avec ce cocon, de partir à 250 kilomètres d’ici, il a fallu que je bosse deux, trois fois plus pour montrer que je pouvais jouer au haut niveau.

Toi qui est un ancien d’Agen, tu as quel regard sur la saison du club et la situation sportive ?

On a de la peine, on en discute avec quelques anciens au téléphone. On se sent impuissants, car donner des conseils, c’est toujours beau, mais là, les joueurs traversent une période délicate et qui dure depuis le début de la saison. On a envie de faire quelque chose, mais quoi, on ne sait pas. Il y a eu des changements au niveau du staff, mais on voit que le mal est plus profond. Ca fait de la peine, car on a tellement connu de très beaux moments avec ce club que de le voir dans la difficulté, c’est compliqué. Mais on ne les lâche pas, on est toujours derrière à fond, en espérant qu’il y aura des jours meilleurs, ce qui est sûr.

Il y a toujours cet espoir de repartir de l’avant pour le club ?

Je pense qu’Agen a toujours su rebondir et revenir dans la compétition. Là, cette année, c’est fortement compromis. On sait le sort qui attend les Agenais,avec une descente en Pro D2. Mais bon voilà, il reste encore six matchs, je pense que l’objectif est clair, c’est d’avoir une victoire. Rien que par rapport au groupe qui est très perturbé en ce moment, car il donne tout sur le terrain. On sent qu’il y a un mal-être et un petit grain de sable qui s’est mis dans le moteur, donc ça pète et l’équipe craque collectivement. Ce qu’on peut leur souhaiter, c’est une victoire et surtout le plaisir de rejouer ensemble.

"J’ai sérieusement pensé à ma reconversion quand je suis arrivé à la trentaine"

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Pour revenir sur ta carrière, tu parlais des blessures. Tu en avais subi deux grosses à tes genoux sur la fin de ta carrière. Est-ce que c’est cela qui a précipité ta retraite ?

Non, je ne pense pas. J’aurais peut-être pu jouer un ou deux ans de plus, mais j’avais le corps qui était usé. Je le sentais. Souvent, je faisais trois matchs et je passais beaucoup de temps avec les kinés. Je faisais de la fonte pour revenir. Je sentais que c’était la fin, mais je n’avais pas prévu de me péter les croisés comme ça. Ça a précipité la fin de ma carrière, mais j’ai arrêté à 33 ans donc pour un joueur de rugby, c’est plutôt bien, vu que j’ai commencé à 18 ans. Peut-être que j’aurais pu finir dans mon club formateur de Sare, ce qui aurait été sympa pour boucler la boucle.

C’est un regret d’avoir fini comme ça ?

Non, ça n’est pas un regret, car comme j’ai dit, j’ai beaucoup donné, en matchs, aux entraînements. C’est le corps qui a dit stop. Je savais que j’étais sur la fin, j’arrivais à un âge où il fallait être performant sur le terrain, mais aussi penser à la reconversion. Donc quand c’est arrivé, il a fallu que je me soigne et que je bascule sur autre chose.

Tu avais déjà commencé à préparer ta reconversion avant la fin de ta carrière de joueur ou ça s’est fait à ta retraite ?

Juste avant de signer mon contrat pro à Agen, quand j’étais à Biarritz, j’avais obtenu tous mes diplômes. C’était un peu le deal avec mes parents, qui m’avaient dit d’obtenir mes diplômes et qu’ensuite, je ferais ce que je voudrais. Et puis, même quand j’ai signé mon premier contrat à Agen, on avait toujours un jour de récupération dans la semaine. Et j’étais commercial pour une société, donc ce temps de repos, je le consacrais pour aller voir des partenaires du SUA. J’essayais de garder ce côté « après-rugby », mais très vite, je me suis rendu compte que c’était compliqué, car la charge de travail était forte, on s’entraînait deux fois par jour, il y avait les matchs le week-end et du coup, je m’épuisais plus qu’autre chose. Donc j’ai vite compris que c’était le rugby et rien d’autre. Mais j’ai sérieusement pensé à ma reconversion quand je suis arrivé à la trentaine. On sent que ça commence à basculer à ce moment-là. Et je me suis dit : « Attention, il faudra basculer rapidement ».

"Maintenant je suis consultant pour quelques matchs"

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Pour parler de ta reconversion, est-ce que tu peux nous parler de ce que tu fais aujourd’hui ?

Quand j’ai arrêté, j’ai été aidé par Provale (le syndicat national des joueurs de rugby). Ils m’ont aidé à faire une remise à niveau avec l’Académie Basque du Sport, qui se trouve à Biarritz. Une remise à niveau, avec bilan de compétences, pour savoir où j’en étais. Puis derrière, j’ai été embauché en tant que commercial dans un transporteur, car à la base, j’ai eu mon diplôme dans les exploitations de transports, dans le domaine logistique. J’ai passé cinq ans chez les transports Lataste, qui est un transporteur plus que local. Après ces cinq années, je suis rentré chez Otago, qui est une marque de vêtements et dont je suis ambassadeur depuis plus de 20 ans maintenant. C’était un peu inévitable, car Gérard Bothier, qui est le créateur et qui m’avait rencontré à Agen, m’avait présenté sa marque et il cherchait un ambassadeur. J’ai accepté, car le produit me plaisait. Et depuis, on ne s’est plus quitté, gardant de très bonnes relations avec la famille Bothier, et il était prévu que tôt ou tard, je rentre dans la société en reprenant une boutique, ce qui s’est fait il y a trois ans. Du coup, je suis responsable de la boutique de Bayonne et je suis toujours ambassadeur de la marque.

Au niveau de ta reconversion, est-ce que tu as toujours un pied dans le monde du rugby ?

J’ai toujours un pied dans le milieu. Pas en tant que joueur ou entraîneur, mais maintenant, je suis consultant pour quelques matchs. Je fais aussi quelques RP pour différentes sociétés. Je commente par exemple des matchs de National pour France 3 Aquitaine, France Bleu National et France Bleu Pays Basque. Je suis aussi consultant tous les mardis soir avec David Romieu, on a une chronique qui s’appelle « 100 % Rugby ». C’est un côté qui est plutôt sympa, où on parle de l’actualité du rugby, de notre passion et ça nous permet d’être toujours informés de ce qu’il se passe et de participer à tout ce qui nous a fait rêver dans le rugby, tout en le vivant autrement. On est plus dans l’analyse des matchs et c’est plutôt sympa.

"C’est plus le manque de compétition, de quitter cette bulle, qui est difficile"

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Entretien avec Pépito Elhorga : « Quand on quitte cette bulle dans laquelle on vit depuis tant d’années, on est un peu déconnecté de la réalité »

On sait que pour les sportifs professionnels, les reconversions sont toujours difficiles. Comment ça s’est déroulé pour toi ?

C’est vrai que ce n’est pas évident. Je m’étais quand même préparé et je m’étais dit que le jour où ça arriverait, je rebondirais facilement. Mais le jour J, c’est tellement brutal qu’on reste scotché, surpris. On est un peu déstabilisé, car on a plus ce réflexe au quotidien de prendre son sac, d’aller s’entraîner, il n’y a plus de compétition, plus d’ambiance dans le vestiaire qu’on avait avec les potes. Du jour au lendemain, on le perd et on se dit : « Merde, qu’est-ce qu’il se passe ? » Pourtant, on se prépare, mais on n’est jamais prêt. Personnellement, j’ai dû batailler six, sept mois pour basculer et intégrer la vie « normale ». Quand on quitte cette bulle dans laquelle on vit depuis tant d’années, on est un peu déconnecté de la réalité.

Tu as été bien accompagné ?

On est toujours très bien entouré dans cette situation-là. J’avais ma femme, mes enfants, ma famille, mais aussi des partenaires. On créé un lien qui est important dans le rugby donc j’avais des partenaires qui étaient là pour me soutenir. On sent qu’il y a de l’aide derrière. Mais c’est plus le manque de compétition, de quitter cette bulle, qui est difficile. Parce que derrière, il y a quand même du monde pour aider à franchir ce cap.

Tout à l‘heure, on parlait de l’ambiance famille dans le rugby. Tu as gardé des contacts avec des anciens coéquipiers, entraîneurs ?

Oui bien sûr. Après, on a tellement rencontré de monde qu’on ne s’appelle pas tous, mais dans le lot, il y a toujours une petite dizaine de personnes avec qui on garde contact et avec qui on prend plaisir à se retrouver. Et comme on dit, on refait un peu le match. Ce sont des bons moments qui font plaisir à vivre. Dans le lot, il y a aussi des jeunes qui sont avec nous et c’est toujours bien de voir comment ils vivent le rugby actuellement, c’est toujours enrichissant.

"Quand on voit l’évolution de ce sport, on se dit que si un joueur arrive à jouer 10 ans, c’est bien"

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Pour rebondir là-dessus, tu ressens une différence entre ton rugby à toi et celui d’aujourd’hui ?

Le rugby a nettement évolué. Nous, quand on jouait, je pense qu’au niveau des entraînements, la charge de travail était importante, mais je pense que là, on a encore franchi un cap. Le rugby est devenu beaucoup plus physique, les joueurs sont bien plus prêts et j’ai l’impression que ça fait plus mal. Les joueurs, avant, on pouvait faire une carrière de 12, 13, 14 ans, maintenant quand on voit l’évolution de ce sport, on se dit que si un joueur arrive à jouer 10 ans, c’est bien. Je pense qu’ils ont franchi un nouveau palier physiquement, peut-être un peu moins techniquement. Mais les joueurs sont au-dessus de ce qu’on a connu nous.

Et concernant l’exposition médiatique, ça doit te faire plaisir de voir que le rugby prend de plus en plus de place ?

Oui, petit à petit, on voit des secteurs qui n’étaient pas trop rugby qui le deviennent. Je pense notamment à la Bretagne, avec le club de Vannes qui, actuellement, fait partie des meilleures équipes de Pro D2. Un peu plus haut, il y a Rouen, qui joue le bas du classement, mais qui va s’en sortir cette année, je pense. Il y a des secteurs comme ça qui prennent forme petit à petit, il y en aura d’autres, on attend l’Alsace, etc. Le rugby devient un peu plus médiatique, ce qui est bien pour ce sport. Nous, avec la LNR, on est quelques anciens joueurs à être ambassadeur de la Ligue et on a été amené à bouger sur ces régions-là, pour promouvoir le rugby. Et c’est vrai qu’on ne se rend pas compte, mais il y a des petits clubs qui vivent dans ces zones, mais on n’en parle pas parce qu’il y a le football qui est largement devant ou le basket-ball, par exemple. Mais on se rend compte, quand on est sur place, qu’il y a aussi le rugby et que ça ne demande qu’à se développer.

Même au niveau des droits TV qui ont décollé, ça doit faire plaisir de voir que le rugby se fait une belle place dans le paysage audiovisuel sportif ?

Exactement. Après, ça n’est pas être plus médiatisé que d’autres sports, mais essayer de couvrir tout le territoire. Je pense que l’événement de la Coupe du monde en 2023 va être très important pour ce développement. En plus, on a une équipe de France qui est jeune, qui a plutôt des bons résultats. Donc tout ça fait que je pense que le rugby va encore un peu plus se développer.

"On a l’impression de retrouver le french flair qu’on avait perdu"

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Pour parler de l’équipe de France, toi qui est un ancien Bleu, qu’as tu pensé du tournoi des VI Nations de cette année ?

C’est une équipe qui, depuis plus d’un an, fait plaisir. Ca faisait longtemps qu’on avait une équipe de France qui ne prenait pas trop de plaisir sur le terrain et donc qui n’en donnait pas. Là, je pense que l’équipe de France est réconciliée avec les supporters. Ils se font plaisir sur le terrain, nous, on en prend aussi. Le tournoi des VI Nations, la seconde place, si on enlève le dernier match, je pense qu’ils sont toujours dans le positif. Il y a encore des choses à régler, car l’équipe est jeune. L’objectif, c’est 2023 et il y aura encore des échéances avant pour se régler. Mais c’est une équipe qui ne demande qu’à être encouragé et ça fait vraiment plaisir, car on a l’impression de retrouver le french flair qu’on avait perdu.

Pascal Papé, ancien international, a parlé il y a quelques jours du fait que les Bleus avaient mangé leur pain noir et qu’il était enthousiaste pour l’avenir. Tu partages ce sentiment de confiance et d’enthousiasme ?

Oui, je suis confiant. Sur les matchs qu’ils ont faits dernièrement, on ne peut qu’être confiant. C’est une équipe qui est jeune, qui a du caractère et qui aime les défis. On l’a vu, notamment sur le match contre l’Irlande où ça faisait dix ans que les Bleus n’avaient pas gagné là-bas. Ils sont allés se le chercher, ils l’ont fait. Il s’en est fallu de peu pour qu’ils battent les Anglais à Twickenham. Il y a juste le dernier match qu’il faut gommer, mais on ne peut pas tout juger sur cette rencontre. C’est une équipe qui a une marge de progression qui est assez importante. Elle va gagner en confiance, en expérience et elle sera prête pour 2023.

Tu as joué avec Fabien Galthié. Après avoir connu le joueur, quel est ton avis sur le sélectionneur ?

Quand on voit les résultats de l’équipe de France, on ne peut que féliciter Fabien Galthié et son staff. C’est vrai que Fabien a amené un peu d’assurance à ce groupe, il a fait confiance à des jeunes. Ils se sont beaucoup appuyés sur les joueurs qui ont été champions du monde en catégorie jeunes. Je pense aussi que Fabien a eu des périodes compliquées, que ce soit avec son club de Montpellier ou autre. C’est, quelque part pour lui, une fierté de se retrouver là et d’avoir des bons résultats. Pourvu que ça dure.

"Je pense qu’on a aussi un rôle à jouer en tant qu’ancien joueur"

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On a parlé des gens avec qui tu pouvais garder contact après ta carrière. Est-ce qu’il y a quelqu’un qui t’a marqué durant ta période de joueur ? Une personne que tu retiens ?

Une personne qui m’aurait marqué, c’est compliqué. Mais si je devais parler d’un joueur, ça serait Rupeni Caucaunibuca.Lui c’est un joueur que je ne connaissais pas avant 2003. Et lorsqu’on fait la Coupe du monde en Australie, on a les Fidjiens dans la poule. Et on s’échauffe, je me souviens j’étais avec le regretté Christophe Dominici, et on regardait s’échauffer les Fidjiens. Et on voit un ailier plutôt enrobé. Donc on se dit : « Tiens, c’est bizarre cet ailier ». Mais on ne faisait pas trop gaffe. Et puis le match débute et Rupeni touche son premier ballon à 80 mètres de notre ligne d’essai et ça a été un festival. Là, je me suis dit que c’était pas mal. Puis il fait une superbe Coupe du monde et l’année d’après, il signe à Agen. Donc moi, j’étais super content qu’il nous rejoigne, car je savais de quoi il était capable. Et c’est un mec avec qui je me suis régalé. Il ne se prenait jamais la tête. Pour moi, c’est le meilleur joueur avec qui j’ai pu jouer ou contre qui j’ai joué. Lui m’a vraiment marqué durant ma carrière. Si je devais choisir une autre personne, ça serait Christophe Deylaud, sans qui je n’aurais jamais eu de sélection, je pense. C’est quelqu’un qui m’a fait confiance, qui m’a fait énormément progresser et c’est grâce à lui que j’ai pu m’exprimer à Agen et en équipe de France.

Est-ce que tu aurais un rêve que tu aimerais réaliser dans le rugby à l’avenir ?

Un rêve, non, je n’en ai pas trop. Mon truc à moi, c’est de m’impliquer un peu plus dans le rugby. C’est vrai qu’on a parlé de reconversion tout à l’heure. En parallèle de mon activité avec Otago, j’ai un ami qui s’appelle Philippe Momparler et qui a créé une structure qui s’appelle Résovalie Consulting. Ça fait un an que sa société existe. Dans Résovalie Consulting, il va y avoir Résovalie Reconversion. Du coup, je serais normalement responsable de cette partie-là et notre but, ça va être de rencontrer tous les clubs. On en a déjà rencontré six, le Stade Toulousain, le Racing 92, l'Union Bordeaux-Bègles, l’Aviron Bayonnais, le SU Agen et le RC Toulon. Avec ces clubs-là, on va essayer de gérer la partie reconversion, car on sait qu’il y a peut-être un manque à ce niveau-là. On sait que les joueurs, quand ils jouent, ils sont focalisés sur leur jeu. Nous, on serait là pour les accompagner sur leur fin de carrière. J’ai vu comment ça s’est passé pour moi, j’ai eu la chance d’être aidé, mais je ne sais pas si c’est le cas pour tout le monde, donc on se dit que si on peut apporter notre aide à ces joueurs sur leur fin de carrière, ça peut être un plus pour tout le monde. Le jour où ça s’arrête, on est toujours un peu surpris, car on est déstabilisé et on se cherche un petit peu. Donc je pense qu’on a aussi un rôle à jouer en tant qu’ancien joueur.

"C’était une passion et un rêve de jouer au haut niveau"

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Comment es-tu arrivé dans le rugby ?

Je suis né en Côte d’Ivoire, mais j’avais beaucoup de famille au Pays Basque donc tout petit, je suis venu ici au pays. Quasiment tous mes frères ont joué au rugby, mon père aussi. J’ai un de mes frères qui a joué au haut niveau, à Biarritz, et très longtemps à Angoulême. Il s’appelle Jean-Philippe Elhorga. Il a, à son actif, une tournée en Afrique du Sud en 1998. Donc naturellement, tout le monde baignait rugby dans la famille et j’ai débuté dans ce sport. J’ai aussi fait de la pelote en parallèle, sport très apprécié au Pays Basque, pratiquant les deux sports pendant très longtemps.

Comme tu dis, avec la famille, ça a été naturel d’aller dans le rugby ?

Oui, c’était vraiment naturel. Ce qui a aussi facilité la chose, c’est que la maison dans laquelle on était se trouvait à 50 mètres du terrain de rugby. Donc dès que j’ai posé mes valises ici, deux, trois mois après j’étais sur le terrain.

Est-ce que tu as su rapidement que tu allais faire carrière dans le rugby ?

C’est venu sur le tard, car c’était une passion et un rêve de jouer au haut niveau. Quand je jouais à Sare, disons que ce n’était pas possible. Je voyais jouais des Blanco ou des gars qui me faisaient rêver. Mais pour moi, ce n’était pas un objectif de jouer au très haut niveau, car je pensais que je n’avais pas les moyens. Je m’amusais sur le terrain, je prenais beaucoup de plaisir à jouer au rugby. Mais j’étais un gagneur, je ne lâchais jamais rien et je pense que c’est ce qui a fait que petit à petit, je me suis dit : « Tiens, je peux peut-être essayer de faire quelque chose. » C’est venu par étape et surtout quand les clubs ont commencé à me solliciter, avec celui de Biarritz dans un premier temps et qui était à l’époque le club phare d’ici avec l’Aviron Bayonnais. Je me suis dit que s’ils me contactaient, c’est que je ne devais pas être très mauvais, donc j’ai décidé d’être sérieux, pour voir ce que ça donnerait et quand l’autre club prestigieux d’Agen a débarqué et m’a dit qu’ils aimeraient me récupérer, je me suis dit que j’allais foncer. Je suis parti avec ma femme, c’était l’aventure. Je signe en 1999 et en 2001, ça a été très vite, j’ai eu ma première sélection.

"Ma carrière s’est faite avec beaucoup de blessure"

Credit Photo - Icon Sport

Pour parler justement de l’équipe de France, tu as eu 18 sélections, tu comptes un Grand Chelem en 2004. Est-ce que tu es fier de ton parcours en Bleu ou tu aurais aimé avoir plus de sélections ?

Je retiens uniquement du positif, car je sais d’où je viens et les efforts que j’ai du faire pour arriver jusqu’ici. Après, je pense que j’aurais pu avoir plus de sélections, malheureusement ma carrière s’est faite avec beaucoup de blessures. Il a fallu à chaque fois interrompre ma progression pour travailler physiquement et revenir au plus haut niveau. Il y a eu des cassures durant toute ma carrière, ce qui fait que je n’ai pas forcément était très régulier avec l’équipe de France.

Ton expérience à Agen, qui est la plus grosse étape de ta carrière, tu en retiens quoi ?

On ne garde que du positif. On est arrivé à deux, comme je disais, avec ma femme. On a eu trois enfants là-bas. Il faut savoir que c’est un club qui est très famille, la ville vit énormément pour le SUA. On était vraiment dans une bulle. On partageait beaucoup de choses avec la ville, les supporters, c’était une grande famille. On s’est fait beaucoup d’amis sur et en dehors du terrain.

Pour parler de ce terme famille, ça a toujours été quelque chose d’important pour toi ?

Oui énormément, car moi j’aime bien être bien entouré. Quand tout se passe bien dans un secteur, j’aime y rester. Il est clair que moi, quand j’ai signé à Agen, je n’étais pas tranquille, car je quittais le milieu familial basque. Ce n’était pas évident, mais je sentais qu’il fallait que je parte, car j’étais un peu trop bien au Pays Basque, que j’étais dans un confort et donc je me suis fait du mal, car il faut en partir du Pays Basque. Ce n’est pas évident quand on est d’ici. Et franchement, l’accueil du côté d’Agen a été splendide, que ce soit les dirigeants, les joueurs en place comme Philippe Benetton, Abdelatif Benazzi, Jean-Jacques Crenca, tous les anciens qui nous ont accueilli, nous, les jeunes et qui nous ont mis en confiance. Ça a été très important pour nous.

"Je pense qu’Agen a toujours su rebondir et revenir dans la compétition"

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Tu dirais qu’Agen a été ton plus gros challenge ?

Oui, ça a été mon plus gros challenge, parce qu’au départ je ne me voyais jamais quitter le Pays Basque. J’avais toute ma famille ici, je jouais pour Biarritz. Mais je crois que j’ai bien fait de partir parce que ça n’est pas dit que j’aurais pu faire une telle carrière si j’étais resté. J’étais trop bien et je vivais un peu sur mes facilités, je ne me faisais peut-être pas assez mal aux entraînements. Du coup, de couper avec ce cocon, de partir à 250 kilomètres d’ici, il a fallu que je bosse deux, trois fois plus pour montrer que je pouvais jouer au haut niveau.

Toi qui est un ancien d’Agen, tu as quel regard sur la saison du club et la situation sportive ?

On a de la peine, on en discute avec quelques anciens au téléphone. On se sent impuissants, car donner des conseils, c’est toujours beau, mais là, les joueurs traversent une période délicate et qui dure depuis le début de la saison. On a envie de faire quelque chose, mais quoi, on ne sait pas. Il y a eu des changements au niveau du staff, mais on voit que le mal est plus profond. Ca fait de la peine, car on a tellement connu de très beaux moments avec ce club que de le voir dans la difficulté, c’est compliqué. Mais on ne les lâche pas, on est toujours derrière à fond, en espérant qu’il y aura des jours meilleurs, ce qui est sûr.

Il y a toujours cet espoir de repartir de l’avant pour le club ?

Je pense qu’Agen a toujours su rebondir et revenir dans la compétition. Là cette année, c’est fortement compromis. On sait le sort qui attend les Agenais,avec une descente en Pro D2. Mais bon voilà, il reste encore six matchs, je pense que l’objectif est clair, c’est d’avoir une victoire. Rien que par rapport au groupe qui est très perturbé en ce moment, car il donne tout sur le terrain. On sent qu’il y a un mal-être et un petit grain de sable qui s’est mis dans le moteur, donc ça pète et l’équipe craque collectivement. Ce qu’on peut leur souhaiter, c’est une victoire et surtout le plaisir de rejouer ensemble.

"J’ai sérieusement pensé à ma reconversion quand je suis arrivé à la trentaine"

Credit Photo - Icon Sport

Pour revenir sur ta carrière, tu parlais des blessures. Tu en avais subi deux grosses à tes genoux sur la fin de ta carrière. Est-ce que c’est cela qui a précipité ta retraite ?

Non, je ne pense pas. J’aurais peut-être pu jouer un ou deux ans de plus, mais j’avais le corps qui était usé. Je le sentais. Souvent, je faisais trois matchs et je passais beaucoup de temps avec les kinés. Je faisais de la fonte pour revenir. Je sentais que c’était la fin, mais je n’avais pas prévu de me péter les croisés comme ça. Ça a précipité la fin de ma carrière, mais j’ai arrêté à 33 ans donc pour un joueur de rugby, c’est plutôt bien, vu que j’ai commencé à 18 ans. Peut-être que j’aurais pu finir dans mon club formateur de Sare, ce qui aurait été sympa pour boucler la boucle.

C’est un regret d’avoir fini comme ça ?

Non, ça n’est pas un regret, car comme j’ai dit, j’ai beaucoup donné, en matchs, aux entraînements. C’est le corps qui a dit stop. Je savais que j’étais sur la fin, j’arrivais à un âge où il fallait être performant sur le terrain, mais aussi penser à la reconversion. Donc quand c’est arrivé, il a fallu que je me soigne et que je bascule sur autre chose.

Tu avais déjà commencé à préparer ta reconversion avant la fin de ta carrière de joueur ou ça s’est fait à ta retraite ?

Juste avant de signer mon contrat pro à Agen, quand j’étais à Biarritz, j’avais obtenu tous mes diplômes. C’était un peu le deal avec mes parents, qui m’avaient dit d’obtenir mes diplômes et qu’ensuite, je ferais ce que je voudrais. Et puis, même quand j’ai signé mon premier contrat à Agen, on avait toujours un jour de récupération dans la semaine. Et j’étais commercial pour une société, donc ce temps de repos, je le consacrais pour aller voir des partenaires du SUA. J’essayais de garder ce côté « après-rugby », mais très vite je me suis rendu compte que c’était compliqué, car la charge de travail était forte, on s’entraînait deux fois par jour, il y avait les matchs le week-end et du coup, je m’épuisais plus qu’autre chose. Donc j’ai vite compris que c’était le rugby et rien d’autre. Mais j’ai sérieusement pensé à ma reconversion quand je suis arrivé à la trentaine. On sent que ça commence à basculer à ce moment-là. Et je me suis dis : « Attention, il faudra basculer rapidement ».

"Maintenant je suis consultant pour quelques matchs"

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Pour parler de ta reconversion, est-ce que tu peux nous parler de ce que tu fais aujourd’hui ?

Quand j’ai arrêté, j’ai été aidé par Provale (le syndicat national des joueurs de rugby). Ils m’ont aidé à faire une remise à niveau avec l’Académie Basque du Sport, qui se trouve à Biarritz. Une remise à niveau, avec bilan de compétences, pour savoir où j’en étais. Puis derrière, j’ai été embauché en tant que commercial dans un transporteur, car à la base j’ai eu mon diplôme dans les exploitations de transports, dans le domaine logistique. J’ai passé cinq ans chez les transports Lataste, qui est un transporteur plus que local. Après ces cinq années, je suis rentré chez Otago, qui est une marque de vêtements et dont je suis ambassadeur depuis plus de 20 ans maintenant. C’était un peu inévitable, car Gérard Bothier, qui est le créateur et qui m’avait rencontré à Agen, m’avait présenté sa marque et il cherchait un ambassadeur. J’ai accepté, car le produit me plaisait. Et depuis, on ne s’est plus quitté, gardant de très bonnes relations avec la famille Bothier, et il était prévu que tôt ou tard, je rentre dans la société en reprenant une boutique, ce qui s’est fait il y a trois ans. Du coup, je suis responsable de la boutique de Bayonne et je suis toujours ambassadeur de la marque.

Au niveau de ta reconversion, est-ce que tu as toujours un pied dans le monde du rugby ?

J’ai toujours un pied dans le milieu. Pas en tant que joueur ou entraîneur, mais maintenant je suis consultant pour quelques matchs. Je fais aussi quelques RP pour différentes sociétés. Je commente par exemple des matchs de National pour France 3 Aquitaine, France Bleu National et France Bleu Pays Basque. Je suis aussi consultant tous les mardis soir avec David Romieu, on a une chronique qui s’appelle « 100 % Rugby ». C’est un côté qui est plutôt sympa, où on parle de l’actualité du rugby, de notre passion et ça nous permet d’être toujours informé de ce qu’il se passe et de participer à tout ce qui nous a fait rêver dans le rugby, tout en le vivant autrement. On est plus dans l’analyse des matchs et c’est plutôt sympa.

"C’est plus le manque de compétition, de quitter cette bulle, qui est difficile"

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On sait que pour les sportifs professionnels, les reconversions sont toujours difficiles. Comment ça s’est déroulé pour toi ?

C’est vrai que ce n’est pas évident. Je m’étais quand même préparé et je m’étais dit que le jour où ça arriverait, je rebondirais facilement. Mais le jour J, c’est tellement brutal qu’on reste scotché, surpris. On est un peu déstabilisé, car on a plus ce réflexe au quotidien de prendre son sac, d’aller s’entraîner, il n’y a plus de compétition, plus d’ambiance dans le vestiaire qu’on avait avec les potes. Du jour au lendemain, on le perd et on se dit : « Merde, qu’est-ce qu’il se passe ? » Pourtant, on se prépare mais on n’est jamais prêt. Personnellement, j’ai dû batailler six, sept mois pour basculer et intégrer la vie « normale ». Quand on quitte cette bulle dans laquelle on vit depuis tant d’années, on est un peu déconnecté de la réalité.

Tu as été bien accompagné ?

On est toujours très bien entouré dans cette situation là. J’avais ma femme, mes enfants, ma famille, mais aussi des partenaires. On créé un lien qui est important dans le rugby donc j’avais des partenaires qui étaient là pour me soutenir. On sent qu’il y a de l’aide derrière. Mais c’est plus le manque de compétition, de quitter cette bulle, qui est difficile. Parce que derrière, il y a quand même du monde pour aider à franchir ce cap.

Tout à l‘heure, on parlait de l’ambiance famille dans le rugby. Tu as gardé des contacts avec des anciens coéquipiers, entraîneurs ?

Oui bien sûr. Après, on a tellement rencontré de monde qu’on ne s’appelle pas tous, mais dans le lot, il y a toujours une petite dizaine de personnes avec qui on garde contact et avec qui on prend plaisir à se retrouver. Et comme on dit, on refait un peu le match. Ce sont des bons moments qui font plaisir à vivre.Dans le lot, il y a aussi des jeunes qui sont avec nous et c’est toujours bien de voir comment ils vivent le rugby actuellement, c’est toujours enrichissant.

"Quand on voit l’évolution de ce sport, on se dit que si un joueur arrive à jouer 10 ans, c’est bien"

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Pour rebondir là-dessus, tu ressens une différence entre ton rugby à toi et celui d’aujourd’hui ?

Le rugby a nettement évolué. Nous, quand on jouait, je pense qu’au niveau des entraînements, la charge de travail était importante mais je pense que là, on a encore franchi un cap. Le rugby est devenu beaucoup plus physique, les joueurs sont bien plus prêts et j’ai l’impression que ça fait plus mal. Les joueurs, avant, on pouvait faire une carrière de 12, 13 , 14 ans, maintenant quand on voit l’évolution de ce sport, on se dit que si un joueur arrive à jouer 10 ans, c’est bien. Je pense qu’ils ont franchi un nouveau palier physiquement, peut-être un peu moins techniquement. Mais les joueurs sont au-dessus de ce qu’on a connu nous.

Et concernant l’exposition médiatique, ça doit te faire plaisir de voir que le rugby prend de plus en plus de place ?

Oui, petit à petit, on voit des secteurs qui n’étaient pas trop rugby qui le deviennent. Je pense notamment à la Bretagne, avec le club de Vannes qui, actuellement, fait partie des meilleures équipes de Pro D2. Un peu plus haut, il y a Rouen, qui joue le bas du classement mais qui va s’en sortir cette année je pense. Il y a des secteurs comme ça qui prennent forme petit à petit, il y en aura d’autres, on attend l’Alsace, etc. Le rugby devient un peu plus médiatique, ce qui est bien pour ce sport. Nous, avec la LNR, on est quelques anciens joueurs à être ambassadeur de la Ligue et on a été amené à bouger sur ces régions-là, pour promouvoir le rugby. Et c’est vrai qu’on ne se rend pas compte, mais il y a des petits clubs qui vivent dans ces zones, mais on n’en parle pas parce qu’il y a le football qui est largement devant ou le basket-ball, par exemple. Mais on se rend compte, quand on est sur place, qu’il y a aussi le rugby et que ça ne demande qu’à se développer.

Même au niveau des droits TV qui ont décollé, ça doit faire plaisir de voir que le rugby se fait une belle place dans le paysage audiovisuel sportif ?

Exactement. Après, ça n’est pas être plus médiatisé que d’autres sports, mais essayer de couvrir tout le territoire. Je pense que l’événement de la Coupe du monde en 2023 va être très important pour ce développement. En plus, on a une équipe de France qui est jeune, qui a plutôt des bons résultats. Donc tout ça fait que je pense que le rugby va encore un peu plus se développer.

"On a l’impression de retrouver le french flair qu’on avait perdu"

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Pour parler de l’équipe de France, toi qui est un ancien Bleu, qu’as tu pensé du tournoi des VI Nations de cette année ?

C’est une équipe qui, depuis plus d’un an, fait plaisir. Ca faisait longtemps qu’on avait une équipe de France qui ne prenait pas trop de plaisir sur le terrain et donc qui n’en donnait pas. Là, je pense que l’équipe de France est réconciliée avec les supporters. Ils se font plaisir sur le terrain, nous on en prend aussi. Le tournoi des VI Nations, la seconde place, si on enlève le dernier match, je pense qu’ils sont toujours dans le positif. Il y a encore des choses à régler car l’équipe est jeune. L’objectif, c’est 2023 et il y aura encore des échéances avant pour se régler. Mais c’est une équipe qui ne demande qu’à être encouragé et ça fait vraiment plaisir, car on a l’impression de retrouver le french flair qu’on avait perdu.

Pascal Papé, ancien international, a parlé il y a quelques jours du fait que les Bleus avaient mangé leur pain noir et qu’il était enthousiaste pour l’avenir. Tu partages ce sentiment de confiance et d’enthousiasme ?

Oui, je suis confiant. Sur les matchs qu’ils ont fait dernièrement, on ne peut qu’être confiant. C’est une équipe qui est jeune, qui a du caractère et qui aime les défis. On l’a vu, notamment sur le match contre l’Irlande où ça faisait dix ans que les Bleus n’avaient pas gagné là-bas. Ils sont allés se le chercher, ils l’ont fait. Il s’en est fallu de peu pour qu’ils battent les Anglais à Twickenham. Il y a juste le dernier match qu’il faut gommer, mais on ne peut pas tout juger sur cette rencontre. C’est une équipe qui a une marge de progression qui est assez importante. Elle va gagner en confiance, en expérience et elle sera prête pour 2023.

Tu as joué avec Fabien Galthié. Après avoir connu le joueur, quel est ton avis sur le sélectionneur ?

Quand on voit les résultats de l’équipe de France, on ne peut que féliciter Fabien Galthié et son staff. C’est vrai que Fabien a amené un peu d’assurance à ce groupe, il a fait confiance à des jeunes. Ils se sont beaucoup appuyés sur les joueurs qui ont été champions du monde en catégorie jeunes. Je pense aussi que Fabien a eu des périodes compliquées, que ce soit avec son club de Montpellier ou autre. C’est, quelque part pour lui, une fierté de se retrouver là et d’avoir des bons résultats. Pourvu que ça dure.

"Je pense qu’on a aussi un rôle à jouer en tant qu’ancien joueur"

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On a parlé des gens avec qui tu pouvais garder contact après ta carrière. Est-ce qu’il y a quelqu’un qui t’a marqué durant ta période de joueur ? Une personne que tu retiens ?

Une personne qui m’aurait marqué, c’est compliqué. Mais si je devais parler d’un joueur, ça serait Rupeni Caucaunibuca.Lui c’est un joueur que je ne connaissais pas avant 2003. Et lorsqu’on fait la Coupe du monde en Australie, on a les Fidjiens dans la poule. Et on s’échauffe, je me souviens j’étais avec le regretté Christophe Dominici, et on regardait s’échauffer les Fidjiens. Et on voit un ailier plutôt enrobé. Donc on se dit : « Tiens, c’est bizarre cet ailier ». Mais on ne faisait pas trop gaffe. Et puis le match débute et Rupeni touche son premier ballon à 80 mètres de notre ligne d’essai et ça a été un festival. Là, je me suis dit que c’était pas mal. Puis il fait une superbe Coupe du monde et l’année d’après, il signe à Agen. Donc moi, j’étais super content qu’il nous rejoigne, car je savais de quoi il était capable. Et c’est un mec avec qui je me suis régalé.Il ne se prenait jamais la tête. Pour moi, c’est le meilleur joueur avec qui j’ai pu jouer ou contre qui j’ai joué. Lui m’a vraiment marqué durant ma carrière. Si je devais choisir une autre personne, ça serait Christophe Deylaud, sans qui je n’aurais jamais eu de sélection je pense. C’est quelqu’un qui m’a fait confiance, qui m’a fait énormément progresser et c’est grâce à lui que j’ai pu m’exprimer à Agen et en équipe de France.

Est-ce que tu aurais un rêve que tu aimerais réaliser dans le rugby à l’avenir ?

Un rêve, non je n’en ai pas trop. Mon truc à moi, c’est de m’impliquer un peu plus dans le rugby. C’est vrai qu’on a parlé de reconversion tout à l’heure. En parallèle de mon activité avec Otago, j’ai un ami qui s’appelle Philippe Momparler et qui a créé une structure qui s’appelle Résovalie Consulting. Ça fait un an que sa société existe. Dans Résovalie Consulting, il va y avoir Résovalie Reconversion. Du coup, je serais normalement responsable de cette partie-là et notre but, ça va être de rencontrer tous les clubs. On en a déjà rencontré six, le Stade Toulousain, le Racing, Bordeaux-Bègles, l’Aviron Bayonnais, le SU Agen et le RC Toulon. Avec ces clubs là, on va essayer de gérer la partie reconversion, car on sait qu’il y a peut-être un manque à ce niveau-là. On sait que les joueurs, quand ils jouent, ils sont focalisés sur leur jeu. Nous, on serait là pour les accompagner sur leur fin de carrière. J’ai vu comment ça s’est passé pour moi, j’ai eu la chance d’être aidé, mais je ne sais pas si c’est le cas pour tout le monde, donc on se dit que si on peut apporter notre aide à ces joueurs sur leur fin de carrière, ça peut être un plus pour tout le monde. Le jour où ça s’arrête, on est toujours un peu surpris, car on est déstabilisé et on se cherche un petit peu. Donc je pense qu’on a aussi un rôle à jouer en tant qu’ancien joueur.

Pour résumer

Pépito Elhorga est désormais retraité des terrains depuis plusieurs années. Jamais très loin du rugby et de sa passion, il s'est confié pour Quinze Mondial en exclu.

RédacteurVictor Willems