Biélorussie : la crise à la frontière en cinq questions

Depuis plusieurs jours, des milliers de migrants tentent de survivre au froid glacial à la frontière entre la Biélorussie et l'Union européenne, plus particulièrement en Pologne. En toile de fond de cette nouvelle crise migratoire, les tensions entre Bruxelles et le régime du dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko, accusé de provoquer cet afflux de migrants.

Quel est le rapport entre la situation politique en Biélorussie et l'actuelle crise migratoire à l'entrée de l'Union européenne ? Quel rôle a joué le régime d'Alexandre Loukachenko dans l'arrivée massive de réfugiés ? Voici un éclaircissement de la situation.

1. De quoi accuse-t-on la Biélorussie ?

L'Union européenne accuse depuis plusieurs mois la Biélorussie d'orchestrer un afflux de migrants à la frontière avec l'espace Schengen pour déstabiliser la région.

L'origine des tensions entre Bruxelles et Minsk remonte à août 2020, lorsqu'Alexandre Loukachenko, président biélorusse au pouvoir depuis 1994, fut réélu lors d'élections falsifiées . Ces élections avaient déclenché un mouvement de protestation sans précédent au sein de la population biélorusse. Les manifestations contre la réélection du dirigeant ont ensuite été sévèrement réprimées par des violences policières et de lourdes peines judiciaires à l'encontre des journalistes et opposants. L'Union européenne avait alors infligé des sanctions à cette ancienne République soviétique. Le bras de fer s'était durci lors du détournement par la Biélorussie d'un avion entre Athènes et Vilnius, forcé d'atterrir dans la capitale biélorusse, Minsk. Un opposant politique à bord avait ensuite été arrêté avec sa compagne avant que l'avion ne redécolle. Les Vingt-Sept, mais aussi les Etats-Unis, avaient alors convenu de nouvelles sanctions à l'égard de la Biélorussie.

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Biélorussie : la crise à la frontière en cinq questions

L'UE accuse désormais la Biélorussie d'avoir organisé des mouvements migratoires pour se venger de ces sanctions, et d'avoir ainsi déclenché une « guerre hybride » . Minsk est en effet accusée d'alimenter l'afflux de réfugiés, principalement venus du Proche-Orient, en délivrant des visas et en affrétant des vols. Le président biélorusse, soutenu par la Russie, a démenti toute instrumentalisation des migrants.

2. Quelle est la situation des migrants sur place ?

Lundi, le gouvernement polonais a indiqué que 3.000 à 4.000 migrants étaient près de la frontière et a constaté des centaines de tentatives de passage de la frontière. Actuellement, plus de 2.000 personnes, surtout des Kurdes irakiens et syriens selon le média allemand « Deutsche Welle », sont rassemblées dans un camp de fortune. Une vidéo diffusée par le ministère polonais de la Défense montre ces migrants massés à la frontière sous un froid glacial. Une « aide humanitaire d'urgence », notamment des couvertures, des vêtements chauds et des couches, a pu leur être acheminée jeudi, a indiqué l'agence de l'ONU pour les réfugiés. Selon le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, dix migrants sont morts dans la zone frontalière depuis le début de cette crise.

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Face à cet afflux de réfugiés, la Pologne a dépêché 15.000 militaires à la frontière , érigé une clôture et des barbelés, et approuvé la construction d'un mur. ONG et journalistes ont été interdits d'accès à la zone frontalière. Egalement membre de l'UE, la Lituanie a, comme la Pologne, décrété l'état d'urgence à sa frontière avec la Biélorussie.

3. Comment les migrants sont-ils arrivés jusque-là ?

Plusieurs pays de l'UE ont dénoncé un « trafic de migrants » de la part de Minsk. En effet, comme le rapporte la « Deutsche Welle » , les candidats à l'exil passent par des agences de voyages ou des ambassades biélorusses via lesquelles ils obtiennent des visas de tourisme pour la Biélorussie. Dès lors, depuis Beyrouth, Damas ou Istanbul, ils prennent un vol direct, affrété par la compagnie biélorusse Belavia, affirme le média.

Ce vendredi, face aux pressions de Bruxelles, la Turquie a annoncé que les ressortissants de l'Irak, de la Syrie et du Yémen ne seront plus autorisés à prendre l'avion pour la Biélorussie à partir des aéroports turcs, et ce « jusqu'à nouvel ordre ».

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Le sort des migrants fait désormais l'objet d'une guerre des mots entre Minsk et Varsovie et inquiète la communauté internationale. Les deux voisins s'accusent mutuellement de violences envers les migrants, la Pologne avançant que les gardes biélorusses forcent les migrants à franchir la frontière. Dans le « New-York Times » , des témoignages de réfugiés irakiens font état de violences des deux côtés de la frontière entre la Biélorussie et la Lituanie.

4. Comment les pays européens ont-ils réagi ?

Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki n'a pas mâché ses mots pour qualifier la crise en cours en accusant le régime d'Alexandre Loukachenko de « terrorisme d'Etat ». La situation a même fait l'objet d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU, jeudi, à l'issue de laquelle les membres européens et américains ont condamné dans une déclaration conjointe une « instrumentalisation orchestrée d'être humains » par la Biélorussie.

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De son côté, Bruxelles refuse de céder au « chantage ». L'escalade des tensions va vraisemblablement donner lieu à de nouvelles sanctions à l'égard de la Biélorussie, que les Vingt-Sept doivent approuver le 15 novembre. Ce à quoi le président biélorusse a menacé de répondre en fermant ou limitant l'approvisionnement en gaz de l'Europe via un gazoduc passant par son pays.

5. Quel est le rôle de la Russie ?

La Russie apparaît comme un acteur essentiel du conflit car elle est alliée à la Biélorussie. Des avions de chasse russes ont en effet survolé le territoire biélorusse, ce que la Russie a justifié comme étant des « vols de reconnaissance », une activité « normale » en réponse au déploiement de soldats à la frontière polonaise.

Mais pour le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, la Russie n'est pas impliquée dans le « trafic » de migrants. Elle a en revanche une « capacité d'influence » sur Minsk pour résoudre la crise en cours. Vendredi, Paris a appelé Moscou à intervenir auprès de la Biélorussie pour mettre fin au flux de migrants.

Angela Merkel a d'ailleurs demandé à Vladimir Poutine d'agir dans ce dossier. Ce dernier a rétorqué en exhortant l'UE à dialoguer avec la Biélorussie. Samedi, Vladimir Poutine a rejeté dans une interview toute responsabilité dans la crise migratoire.

VIDEO. Pourquoi les migrants se massent-ils à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie ?