Pass sanitaire : comment les professionnels tentent de s'adapter à la nouvelle donne

L'inquiétude règne chez les professionnels concernés par le pass sanitaire annoncé lundi soir par Emmanuel Macron. Le calendrier envisagé a déjà été assoupli, laissant notamment aux adolescents de 12 à 17 ans et aux personnels des lieux accueillant du public, jusqu'au 30 août pour se mettre en conformité.

Si les commerçants, les restaurateurs et les professionnels des transports longue distance ne remettent pas en question l'impératif de santé publique, ils s'inquiètent de leur capacité à s'adapter à la mise en oeuvre des mesures. La menace d'une amende de 45.000 euros pour l'exploitant d'un lieu qui manquerait aux futures obligations de contrôle du pass sanitaire n'est pas faite pour rassurer.

· Les commerces craignent « d'énormes problèmes »

L'annonce du chef de l'Etat, a jeté un froid sur le monde du commerce, dont les réactions ne se sont pas fait attendre même si à ce stade on ne sait toujours pas à quelle taille de centre commercial s'adresse l'instauration du pass sanitaire à partir de début août. Les professionnels s'inquiètent de leur capacité à faire vacciner le personnel à temps.

« Pour l'instant on ne pouvait pas obliger un salarié à se faire vacciner. On ne sait pas comment les enseignes vont faire pour mener à bien cette opération », a souligné mardi Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du Commerce. Celui-ci réclame des « mesures de compensation », « le temps que la vaccination monte en puissance ».

La Fédération du Commerce (FCD) estime, de son côté, que la vaccination obligatoire va créer « d'énormes problèmes ». Jacques Creyssel, son délégué général, s'interroge sur la marge de manoeuvre des commerces alimentaires et des pharmacies qui n'ont pas de portes dans les centres commerciaux. Il demande que le gouvernement mette en place « au plus vite des camions de vaccination dans nos parkings » pour accélérer la vaccination de salariés. « Nos salariés sont jeunes, donc peu vaccinés », déplorait-il mardi sur Twitter.

Dominique Schelcher, PDG de Système U, dit ne pas savoir ce que recouvre l'obligation de « pass sanitaire dans les centres commerciaux au 1er août ». Et, comme le groupe Galeries Lafayette, il attendait pour y voir plus clair les arbitrages de Matignon sur le sujet.

« C'est la douche froide pour notre secteur », a réagi de son côté Maël Aoustin, le directeur général de Galimmo, la foncière qui gère les galeries commerçantes attenantes aux hypermarchés Cora. Il s'interroge sur les modalités d'application sur le terrain. « Concrètement, il faut des gens, à l'entrée des centres commerciaux, qui contrôlent chaque client qui rentre », souligne-t-il.

Selon Bercy, cela nécessitera l'embauche de 7.000 personnes. A moins que le contrôle ne soit réalisé à l'entrée de chaque magasin. Ce qui permettrait aussi de résoudre la question de l'accès aux grandes surfaces alimentaires et pharmacies pour lesquelles le pass ne sera pas exigé. « J'attends les décrets d'application », conclut Maël Aoustin, tout en affirmant « nous nous adapterons ».

· La restauration se demande comment elle va contrôler les clients

Pass sanitaire : comment les professionnels tentent de s'adapter à la nouvelle donne

Après dix mois de fermeture au total depuis mars 2020, la nécessité du pass sanitaire à partir d'août pour s'attabler au restaurant , a priori terrasses comprises, selon les précisions données mardi matin par les membres du gouvernement, inquiète les restaurateurs. Même s'il éloigne le risque de devoir à nouveau cesser le service.

« L'annonce nous a fait l'effet d'un coup de massue », souligne Frank Delvau, le président de l'UMIH Paris-Ile-de-France, la principale organisation patronale de l'hôtellerie-restauration. La profession avait demandé un report des mesures au 1er septembre. Elle a été en partie entendue. Les inquiétudes liées aux salariés sont les plus prégnantes même avec le délai au 30 août. « Pour beaucoup de restaurateurs, cela aurait été difficilement applicable avant, au vu notamment des délais de vaccination », souligne Stéphane Manigold , président du groupe Eclore. Les salariés de ses propres établissements ont tous reçu leur deuxième dose au plus tard fin juin. « Nous avions anticipé dès que la profession a été considérée comme prioritaire », ajoute-t-il.

Les syndicats patronaux du secteur se demandent comment ils vont réussir à mobiliser une personne pour faire, dès début août, les vérifications à l'entrée, vis-à-vis des clients, en plein rush des heures de repas. Et de devoir refuser l'accès à table pour des métiers plutôt formés à l'accueil. « Nous ne sommes ni policier, ni gendarme, ni agent de sécurité. Et nous avons déjà du mal à obtenir de nos clients qu'ils flashent les QR Code à l'entrée », remarque Frank Delvau.

Les craintes concernent bien sûr aussi la fréquentation, alors que seulement 40 % des Français ont reçu les deux doses. Il reste à voir si l'attrait de déguster un bon plat incitera les autres à se faire tester. L'Umih estime à 30 % au minimum la perte de chiffre d'affaires une fois le pass sanitaire en vigueur.

« La clientèle des restaurants traditionnels est assez majoritairement vaccinée mais il faut penser aux bars. Personne ne fera un test avant d'aller boire son café le matin. De même, un groupe d'amis décidant au dernier moment d'aller manger dehors renoncera si un seul n'a pas le pass sanitaire », relève Stéphane Manigold qui juge que ce dernier est l'équivalent d'une nouvelle jauge. La profession appelle donc Bercy à se repencher sur le dispositif de dégressivité des aides, appliqué dès cet été pour revenir au niveau de mai.

· Le monde des transports dans le flou

Le grand flou… Pour l'instant, les entreprises de transport attendent des précisions du gouvernement sur l'obligation de présenter un pass sanitaire pour effectuer un trajet longue distance en train, en avion ou en autocar. « Tout ce dont nous sommes sûrs, c'est que cette mesure vise tous les TGV Inoui et Ouigo, les Intercités et les trains internationaux au départ de la France. Les TER et les Transilien ne sont pas concernés.

La mesure s'appliquera à partir de début août, mais nous ne connaissons même pas la date exacte de son entrée en vigueur. Nous travaillons sur les modalités d'application, mais nous avons besoin d'en savoir un peu plus », indiquait mardi une porte-parole de la SNCF.

Qui contrôlera ces pass ? « En lien avec les personnels des gares, il y a la possibilité de recourir aux forces de l'ordre, et dans les trains aux contrôleurs », a précisé le ministre des transports, Jean-Baptiste Djebbari, sachant que « 500.000 personnes par jour » seraient concernées. Le fait de ne plus avoir à contrôler les 12-17 ans jusqu'au 30 août avant la montée dans les trains devrait alléger un peu la tâche.

« On attend des opérateurs qu'ils trouvent des solutions pour qu'il y ait un maximum de fluidité […] » a déclaré le président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), Bruno Gazeau, très favorable à un pass sanitaire étendu plutôt qu'aux restrictions de mouvement des confinements.

Côté Flixbus, c'est l'incertitude prédomine aussi. « Nous manquons pour l'instant d'informations concrètes, mais nous ferons tout pour appliquer les nouveaux protocoles sanitaires », indique-t-on chez l'autocariste. Idem pour son concurrent BlaBlaCar. Le pass sanitaire « va permettre aux passagers de nos bus de voyager encore plus sereinement cet été », indique même l'entreprise.

Celui-ci ne devrait en revanche pas concerner son activité de covoiturage. Il s'agit d'un « échange entre particuliers ». Dès lors, les consignes sanitaires déjà en place en voiture - avec port du masque obligatoire et aération régulière du véhicule - restent de mise. Cependant, « nous travaillons sur une fonctionnalité qui permettra aux covoitureurs qui le souhaitent de déclarer qu'ils bénéficient d'un pass sanitaire, afin de rassurer les personnes qui veulent voyager avec eux », poursuit-on chez BlaBlaCar.

Chez Air France, on attend les consignes précises de l'autorité de tutelle, la direction générale de l'aviation civile (DGAC), avant de les décliner. « Cela va a priori concerner les vols domestiques », indique un représentant de la compagnie aérienne. Le secteur aérien est toutefois déjà habitué à gérer les pass sanitaires vers l'étranger, l'outre-mer et la Corse. Les vérifications sont effectuées par les compagnies à l'enregistrement… avec souvent, à la clé, un allongement des files d'attente.

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