Dans une Chine qui mise sur l’e-sport, les enfants sont privés de jeux vidéo

L’atmosphère se tend quand la partie commence : les cous se contractent, les pouces s’agitent sur les écrans de smartphones et les phrases ne sortent plus que par bribes – quelques mots rapides envoyés pour informer les partenaires. « Attention – j’y vais – il y en a quatre – il n’est pas encore mort ! il n’est pas encore mort ! » Le coach de l’équipe, l’une des meilleures du pays, suit sur grand écran la partie de L’Honneur des rois (distribué internationalement sous le nom Arena of Valor), le jeu vidéo le plus populaire de Chine. L’équipe encaisse des coups. Certains joueurs ont des visages enfantins, un peu d’acné, ou un léger duvet brun en guise de moustache. Mais tous ont plus de 18 ans : le 31 août, la Chine a annoncé limiter à trois heures par semaine la pratique du jeu vidéo pour les mineurs.

« Ça a déstabilisé tout le monde : il y avait des mineurs dans toutes les équipes », témoigne un joueur, croisé à la sortie du grand bâtiment accueillant le siège de Royal Never Give Up (RNG), l’une des principales écuries du pays avec plus de 200 employés, une centaine de joueurs sur différents jeux et des titres mondiaux à son palmarès. Quand les joueurs parlent sous l’œil de leurs manageurs, le discours est plus policé : « Je soutiens cette politique, parce qu’étudier est très important », assure Lu Shushen, 18 ans, qui a rejoint l’équipe en septembre. Auparavant, le jeune homme évitait les restrictions déjà en place en utilisant les cartes d’identité de ses parents et de sa grande sœur. Une pratique plus difficile aujourd’hui : Tencent, le numéro un mondial des jeux vidéo, basé à Shenzhen, dans le sud de la Chine, renforce les contrôles, y compris par reconnaissance faciale pour s’assurer que les joueurs sont bien la personne qu’ils prétendent être.

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Le paradoxe chinois

Dans une Chine qui mise sur l’e-sport, les enfants sont privés de jeux vidéo

En Chine, les autorités communistes tentent depuis des années de limiter le temps que les jeunes passent les yeux rivés sur les écrans. Ces efforts ont franchi un palier en août, avec l’imposition des règles les plus strictes jamais adoptées : les moins de 18 ans n’ont plus le droit de jouer que trois heures par semaine, les vendredis, samedis et dimanches, entre 20 heures et 21 heures. Une quasi-interdiction que soutiennent la plupart des parents, soucieux du succès scolaire de leurs enfants, mais qui a secoué les forums d’adolescents.

Ces règles risquent dans le même temps d’anéantir les rêves de grandeur affichés pour le secteur de l’e-sport, la pratique professionnelle du jeu vidéo compétitif. Illustration de cette relation paradoxale qu’entretient la Chine avec le média : les Jeux asiatiques de 2022, organisés à Hangzhou, l’un des centres des entreprises du numérique à l’ouest de Shanghaï, seront les premiers à inclure des compétitions d’e-sport au côté des sports traditionnels.

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