Un automne à Séoul

À force de vanter la beauté du Québec à l'automne, on oublie parfoisqu'il n'est pas le seul à être aussi beau en cette saison. La Corée du Sud, pays de forêts et de montagnes, est tout aussi spectaculaire à visiter avant l'hiver. Récit.Un automne à Séoul Un automne à Séoul

Mis à jour le 22 nov. 2017
Violaine BallivyLA PRESSE

La nature d'une mégapole

La randonnée pédestre est l'un des sports les plus pratiqués en Corée. Et nul besoin d'aller bien loin du centre-ville de Séoul pour découvrir des sentiers magnifiques.

9 h. Même s'il affiche encore une mine un peu endormie - on veille tard, ici -, le quartier Itaewon, en plein coeur de Séoul, s'éveille doucement. Les hommes défilent en complet-cravate (noire, comme le pantalon cigarette) et les femmes, en délicats escarpins; ils sont tous pressés, un café à la main, comme on le voit à New York ou à Paris puisque, justement, on peut aussi acheter ici des croissants de Gontran Cherrier, boulanger-vedette français, ou un grand latte à la citrouille, dans un Starbucks qui se veut bien chic. Bref, on détonne à l'arrêt de bus avec nos bottes de marche et notre sac à dos.

À bord du 110B, quelques étudiants révisent des notes de cours, pendant que la plupart des passagers ont les yeux rivés sur leur téléphone cellulaire format géant. Le chauffeur récupère les 1500 wons (1,70 $CAN environ) qu'on lui tend en petite monnaie. Puis il repart et on roule longtemps, longtemps, plus d'une heure sans jamais apercevoir le début de la fin de la capitale coréenne, plus peuplée encore que New York ou Tokyo avec ses 9,9 millions d'habitants. Le trajet n'est pourtant pas si long, quand on considère qu'on arrivera, à terme, à l'entrée de l'un des plus beaux parcs nationaux de tout le pays, couvrant une superficie de quelque 80 km2, soit 35 fois plus grand que celui du mont Royal à Montréal, et trois fois plus vaste que le parc régional d'Oka.

Ce faisant, au fil des arrêts, on verra petit à petit grimper quelques randonneurs, des hommes dans la trentaine, mais surtout des couples de ceux qu'on appelle «personnes âgées», mais qui paraissent plus vigoureux que bien des adolescents. Ils sont habillés un peu comme des enfants, des couleurs vives de la tête au pied, vêtements de montagne destinés à affronter des conditions bien plus extrêmes que ce matin d'automne n'en prévoit. «On aime bien s'habiller comme si on allait affronter l'Everest, même pour une petite balade, cela paraît mieux», blague Mi Jing Yang, une jeune guide touristique de Séoul.

N'empêche, au parc de Bukhansan, on est loin de la petite balade: on trouvera rarement d'aussi belles et grandes randonnées à faire dans une métropole que celles proposées ici. Le parc, créé officiellement il y a un quart de siècle, abrite trois sommets importants allant de 800 m à 830 m (le dénivelé total y est donc d'environ 630 m, contre 590 pour le mont Orford, par exemple). On s'y faufile entre des pics de granit, acérés, hostiles. Mais le parc abrite aussi quelques trésors du génie humain, dont une forteresse datant du début du XVIIIe siècle (érigée sur des fondations du IIe siècle) formée d'une muraille de quelque 9 km reliant entre elles 15 tours défensives.

À l'entrée sud du parc (qui en compte quatre), un bureau d'information accueille normalement les touristes en anglais. Comme il était fermé lors de notre passage, il a fallu s'en remettre aux explications d'une gardienne de parc, à l'entrée, et photographier avec notre précieux téléphone cellulaire un plan en coréen, un crayon pointant nos différentes destinations. On a ainsi suivi, au sens littéral, le proverbe coréen qui dit: «Même si tu connais le chemin, demande encore une fois.»

Un automne à Séoul

En octobre, la forêt d'érables s'embrase tout doucement pour adopter un rouge vif, presque luminescent à la fin du mois. Plusieurs randonnées sont proposées, pour tous les niveaux. L'une des plus populaires fait une boucle en direction du Baegundae, depuis Jeongneung.

La montée est agréable et la vue, dès l'arrivée à la première guérite, spectaculaire. D'abord parce que de là, on peut y voir les trois plus hauts sommets du parc, mais aussi une longue portion de la muraille, quasi intacte malgré le passage des siècles. Mais devant, il y a aussi Séoul qui se profile, à gauche et à droite, à perte de vue, océan de tours à logements et de gratte-ciel, souvent en partie cachés en début de journée par la brume ou le smog, en été.

C'est la saison des kakis Persimon, vendus au kilo à l'entrée des sentiers et dans les supérettes tout autour. Des adolescents sont assis pour en manger comme ils avaleraient des pommes, au Québec, mordant à pleines dents dans la chair orange. En tendant l'oreille, on peut entendre les chants des moines de l'un des deux temples encore actifs dans le parc. Il y a le bruit d'un cours d'eau, aussi, qu'on avait pris soin de protéger à l'intérieur de la muraille pour assurer un apport constant en eau potable en cas d'attaque, sous la dynastie Joseon. Mais de bruit de ville, il n'y a point. Bonheur.

Retour en ville

On ne retrouvera le cri des klaxons que quelques mètres avant l'arrivée, au sortir d'une boucle de trois heures de randonnée. Sur le trottoir, trois hommes, la soixantaine bien avancée au moins, attendent le 110B qui nous ramènera au centre-ville, dans le coeur de Séoul, la ville trépidante, qui ne dort jamais. On a échappé quelques heures à son brouhaha, mais sans sortir de ses frontières ni fuir les Séouliens. Un bain de culture à la montagne avant le bain de foule dans les restaurants et les bars à la nuit tombée.

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Une partie des frais de voyage de ce reportage a été payée par l'Office de tourisme coréen.

Trésors de saison

Il y a la randonnée, bien sûr, mais profiter de l'automne à Séoul, c'est aussi...

Découvrir un jardin secret

Mégalopole moderne, Séoul compte aussi d'impressionnants vestiges historiques, dont cinq grands palais. Lequel choisir? En automne, cela va de soi: celui de Changdeokgung. Parce que c'est l'un des plus jolis (inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO), mais surtout parce qu'on peut y explorer un «jardin secret» (le Biwon) qui n'est jamais aussi beau qu'en cette saison. Et pour cause: il n'est pas tant planté de fleurs que d'arbres qui se teintent d'orange, rouge et jaune à l'arrivée des premiers froids. Sachez qu'il faut impérativement réserver une visite guidée pour y accéder; plusieurs sont offertes en anglais chaque jour.

Prendre un café

Un dicton coréen veut que le pays soit recouvert à 70 % de montagnes et... à 30 % de cafés! Prendre un café à Séoul, ce n'est donc pas un geste si banal, pour le touriste, c'est aussi un bain de culture quasi obligé. Et un grand plaisir, car même si plusieurs chaînes - dont des américaines, comme Starbucks - sont bien présentes, on a surtout affaire à des commerces indépendants qui ont élevé le métier de barista au rang d'art, où le café infusé à froid et les grains d'origine sont monnaie courante. Parmi les coups de coeur, on retient le torréfacteur au charbon Noah's, qui propose en prime de délicates pâtisseries françaises (madeleines, financiers, etc.).

Manger chez les moines

La Corée permet de s'immerger dans la culture bouddhiste en ouvrant aux visiteurs les portes d'une trentaine de temples où les étrangers peuvent séjourner tout en participant aux activités quotidiennes. À Séoul, à défaut de vivre avec les moines, on peut manger à leur table, excellente de surcroît: le restaurant Balwoo Gongyang a même reçu une étoile au guide Michelin en 2017! On y sert une cuisine végétalienne d'une exquise délicatesse qui se manifeste tant dans la présentation que les saveurs: une expérience unique. Ne manquez pas, ensuite, de visiter le temple Jogeysa, situé juste de l'autre côté de la rue: plusieurs festivités, l'automne, font en sorte qu'il est sans cesse fleuri en cette saison.

Suivre la mode

Haut lieu du luxe et de la démesure - ici, même la devanture du café Starbucks est dorée, et l'établissement propose un service de voiturier! -, Gangnam est un quartier à ne manquer sous aucun prétexte, ne serait-ce que pour mieux saisir les contrastes - et contradictions - de la société séoulienne. Mais à l'automne, les amateurs de mode et de tendances y trouveront encore plus leur compte, car les plus grands créateurs présentent, en vitrine, leurs nouvelles collections et les courants à suivre. Gucci, Prada, Chanel: on n'achète pas, mais on s'inspire avant d'aller chiner dans les artères commerciales plus populaires de Séoul - dans Myeong Dong ou Dongdaemun, où les boutiques sont ouvertes 24 heures sur 24.

Tester la nouvelle attraction

Séoul n'est pas peu fier de l'ouverture de son nouvel observatoire, au printemps dernier, dans la tour Lotte, un gratte-ciel de 123 étages d'une hauteur totale de 555 m (dans le top 10 des plus élevés du globe). Le 117e étage est entièrement vitré et permettrait - par temps clair - d'apercevoir la mer de l'Est. Une terrasse à plancher de verre a été aménagée, la plus haute du genre selon le livre des records Guinness, pour ceux et celles qui n'ont pas le vertige. Impressionnant, quoique cher. Les nostalgiques pourront retourner à l'ancienne tour d'observation, la N Tower, où les couples viennent se promettre un amour éternel en accrochant un cadenas marqué d'un coeur, comme au pont Neuf de Paris.

Séoul pratique

Conseils pour planifier son voyage dans la capitale de la Corée du Sud.

Y aller

Korean Air et Air Canada assurent la liaison entre Montréal et Séoul quotidiennement, avec escale à Toronto, Vancouver ou New York. Comptez au moins 16 heures: oui, c'est long.

Climat

Le climat de Séoul ressemble bien à celui de Montréal, l'automne, à quelques degrés supplémentaires près. On prend un manteau pour les soirées, fraîches, mais la lumière est magnifique le jour, dorée à souhait.

Dormir

Séoul ne manque pas d'hôtels: les grandes chaînes internationales sont là et on trouvera aisément une chambre à un tarif comparable, voire légèrement moins cher qu'à Montréal. Pour une expérience différente, réservez une nuit dans un hanok, une maison de bois traditionnelle coréenne transformée en pension, surtout dans le quartier Bukchon et Insadong.

Rester

Vaste, vibrant, Séoul mérite un séjour d'au moins quatre jours pour en explorer les différentes facettes. On se déplacera facilement ensuite en train ou en avion dans les autres régions du pays, pas si grand. Busan, l'autre ville d'importance du pays, située en bord de mer, n'est qu'à deux heures de train rapide.

Manger

On mange bien, très bien en Corée: il faut essayer le bibimbap à tout prix - un bol de riz fumant agrémenté de légumes et de viande ou de tofu - et goûter le kimchi, mets emblématique s'il en est un, classé dans la liste du patrimoine culturel de l'UNESCO. Novembre est le mois idéal pour y goûter, puisqu'on en célèbre la fête nationale.