L'icône de la littérature Joan Didion est morte à 87 ans - Rolling Stone

La romancière, essayiste, critique et journaliste Joan Didion est décédée jeudi 23 décembre de la maladie de Parkinson.

Joan Didion, autrice américaine de renom et icône du nouveau journalisme, surtout connue pour des livres comme Play It as It Lays, The White Album et L’Année de la pensée magique est décédée jeudi, rapporte le New York Times. Elle avait 87 ans.

Didion est décédée à son domicile de Manhattan après une bataille contre la maladie de Parkinson, a confirmé un porte-parole de son éditeur. « Didion était l’une des écrivaines les plus incisives et l’une des observatrices les plus avisées du pays, peut-on lire dans le communiqué. Ses œuvres de fiction, ses essais et ses mémoires, qui ont connu un grand succès, ont reçu de nombreuses distinctions et sont considérées comme des classiques modernes. »

Didion était une écrivaine prolifique et aux multiples facettes, aussi bien appréciée pour ses romans, mémoires et scénarios que pour ses essais, ses critiques culturelles et ses reportages d’investigation. Au début de sa carrière, elle était la chroniqueuse attitrée de la Californie à l’apogée de sa contre-culture, et a réussi à créer un nouveau genre d’essai (l’essai « Je quitte New York« ) avec son célèbre article de 1967, « Goodbye to All That« . Avec son mari, John Gregory Dunne, Didion a écrit des scénarios pour des films tels que Panique à Needle Park, l’adaptation de 1976 de Une étoile est née, et une adaptation de son propre roman, Play It as It Lays.

Dans le cadre de ses nombreux reportages politiques, elle a couvert tous les sujets, de la guerre civile au Salvador aux campagnes politiques américaines ; et en tant que critique, elle a étudié la manière dont les médias façonnaient la perception des grands événements (elle a publié l’une des premières contestations du verdict de culpabilité dans l’affaire des Cinq de Central Park, qui a ensuite été annulé). En 2005, Didion a remporté le National Book Award for Nonfiction et a été nominée pour le prix Pulitzer pour L’Année de la pensée magique, ses mémoires relatant sa vie et son chagrin après la mort soudaine de Dunne en 2003, ainsi que la maladie mortelle de sa fille Quintana.

Didion est née le 5 décembre 1934 à Sacramento, en Californie. Sa famille vivait dans l’État depuis cinq générations, un détail biographique approprié pour une écrivaine qui allait capturer de manière experte l’attrait infini, la promesse et le chaos sous-jacent du Golden State.

« J’ai grandi dans un paysage dangereux, déclarait Didion à The Paris Review en 1978. Je pense que les gens sont plus affectés qu’ils ne le pensent par les paysages et le climat. Sacramento était un endroit très extrême. C’était très plat, plus plat que ce que la plupart des gens peuvent imaginer, et je préfère encore les horizons plats. Le climat de Sacramento était aussi extrême que le paysage. Il y avait deux rivières, et ces rivières étaient en crue en hiver et à sec en été. L’hiver était fait de pluie froide et de brouillard. L’été, il faisait 38, 40, 45 degrés. Ces extrêmes affectent la façon dont vous abordez le monde. Il se trouve que si vous êtes écrivaine, les extrêmes apparaissent. Ce n’est pas le cas si vous vendez des assurances. »

Didion a étudié l’anglais à l’université de Californie, à Berkeley, et en dernière année, elle a remporté un concours de rédaction sponsorisé par Vogue. Plutôt que de profiter du voyage à Paris qu’elle avait gagné, elle se rend à New York pour travailler au magazine et passe rapidement du poste de rédactrice publicitaire à celui de rédactrice en chef adjointe. Parallèlement à son travail pour Vogue, Didion collabore avec plusieurs autres magazines et publie son premier roman, Run, River, en 1963. Après son séjour à New York, au cours duquel elle rencontre et épouse Dunne, Didion retourne en Californie et commence à se faire remarquer par ses articles dans Life et The Saturday Evening Post.

S’inscrivant dans le mouvement du nouveau journalisme, les reportages de Didion incorporent des éléments littéraires, mêlant ses observations méticuleuses sur le monde à des anecdotes profondément personnelles. Ses dépêches sur l’idéalisme, les paillettes, et les aspects sordides de la Californie des années 1960 ont été rassemblées dans son célèbre recueil de 1968, Slouching Towards Bethlehem.

En 1970, Didion publie son deuxième roman, Play It as It Lays, qui raconte l’histoire d’une jeune actrice en difficulté qui tente de percer à Hollywood tout en devant affronter une foule de démons personnels. Ce n’est peut-être pas un hasard si, au cours de cette décennie, Didion et Dunne font également leurs propres incursions à Hollywood en écrivant des scénarios : Panique à Needle Park (sur un groupe d’héroïnomanes à New York) a permis à Al Pacino de devenir une vedette, tandis que leur adaptation de Une étoile est née, avec Barbra Streisand et Kris Kristofferson, a été un succès au box-office.

Au cours des années 1970, les reportages et les œuvres de fiction de Didion deviennent de plus en plus politiques. Son roman de 1977, Un livre de raison, se déroule dans un pays d’Amérique centrale en plein bouleversement révolutionnaire ; quelques années plus tard, elle fait un reportage au Salvador sur la guerre civile dans ce pays. Son roman de 1984, Démocratie, racontait l’histoire d’un sénateur et d’un agent de la CIA à la fin de la guerre du Vietnam, tandis que son travail sur la communauté cubaine en exil à Miami est devenu son livre de 1987, Miami. Bien qu’elle ait fini par s’éloigner des reportages politiques plus traditionnels, la politique (et la façon dont elle est diffusée et interprétée par les médias de masse) est restée au centre de ses critiques et de ses essais, qui ont ensuite été publiés dans des ouvrages comme After Henry et Political Fictions.

Au tournant du nouveau millénaire, Didion reste toujours fascinée par l’histoire et le présent de la Californie, sur laquelle elle revient en 2003 dans Where I Was From. En 2017, dans Sud et ouest : carnets, elle a associé des observations sur son enfance en Californie à des textes basés sur de vieilles notes prises lors d’un voyage avec Dunne dans le Sud profond dans les années 1970.

Mais l’une de ses œuvres les plus acclamées reste L’Année de la pensée magique, adaptée au théâtre en 2007. En 2011, Didion a publié un livre complémentaire, Le bleu de la nuit, dans lequel elle évoque la mort de sa fille, ainsi que l’éducation des enfants et le vieillissement. Les deux ouvrages sont extrêmement personnels et, lors d’une conversation en 2012 avec l’auteur Sloane Crosley à la bibliothèque publique de New York, Didion a expliqué que ses mémoires faisaient écho à certains des premiers écrits personnels qu’elle avait écrits pour Vogue. « [Beaucoup] de gens ont lu ces articles et, pour la première fois, on venait me demander des conseils de vie. Je détestais ça. J’ai arrêté d’écrire ces articles parce que je ne pouvais pas prendre ce rôle, et je n’avais rien écrit qui ait obtenu ce genre de réponse jusqu’à L’Année de la pensée magique ; [avec ce roman], soudain, les gens me parlaient dans les aéroports. Généralement, ils avaient quelque chose de vraiment terrible qui leur était arrivé, et j’ai appris simplement à… ne pas le prendre aussi personnellement. J’ai appris que je pouvais leur parler sans le prendre personnellement, et je n’ai donc pas eu à arrêter d’écrire. »

Jon Blistein

Traduit par la rédaction