Le taux d’intérêt du livret A a-t-il besoin d’un petit remontant ?
EDIT du 13 décembre 2021 : « Le taux du livret A augmentera en janvier », a déclaré, ce lundi, Bruno Le Maire, sans préciser de combien. Le ministère de l’Economie a précisé dans la foulée que l’augmentation du taux sera proposée par le gouvernement en janvier et interviendra le 1er février. A cette occasion, 20 Minutes vous propose à la relecture cet état des lieux sur le livret A en perte de vitesset et l’épargne des Français.
Le livret A est-il en train de couler ? En octobre 2021, les Français ont retiré plus d’argent qu’ils n’en ont déposé sur ce compte épargne, une première depuis octobre 2020. Cette différence de moins 2,83 milliards d’euros entre ce qui a été épargné et ce qui a été dépensé est également la plus grosse décollecte depuis sept ans. Coïncidence ?Le gouvernement envisage d’en redresser le taux d’intérêt début 2022. Un mouvement de panique lié à une épargne qui aurait perdu tout bénéfice aux yeux des Français, avec son famélique 0,5 %, inchangé depuis février 2020 ?
Rassurez-vous, le livret A va bien, merci pour lui ! Depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020, les Français y ont déposé plus de 40 milliards d’ euros, preuve de leur attachement à ce compte. Si octobre a enregistré un solde négatif, les dix premiers mois de l’année 2021 ont vu l’épargne augmenter de 16,96 milliards d’euros, soit 3,5 milliards de plus que les dix premiers mois de 2019, année pré-crise. La récente décollecte serait donc plus un retour à la normale qu’à un effondrement de la crédibilité du livret A.
Octobre, mois maudit pour l’épargne
Ces dépenses ont été facilitées par trois facteurs. Premièrement, octobre est un mois qui revient souvent lorsqu’il est question de vider ses comptes. « C’est le mois maudit », confirme à 20 Minutes Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Épargne, centre d’études et d’information sur l’épargne et la retraite. Les raisons sont multiples : derniers achats pour les fournitures scolaires et premiers préparatifs pour Noël, impôts locaux, achats pour le logement en vue de l’hiver et absence de prime, réservée traditionnellement à juin et décembre. En raison de cette balance perte/rentrée d’argent fortement à la négative, il est courant de voir les Français puiser dans leur épargne.
A cela s’ajoute une deuxième raison, propre à 2021 : l’inflation. Avec un taux d’inflation à 2,6 % au mois d’octobre, les prix augmentent plus vite que les salaires, mais également bien plus vite que la rémunération du livret A et son taux d’intérêt à 0,5 %. « Il est bien plus rentable de sortir l’argent et de le dépenser maintenant dans des achats qui coûteront plus cher au fur et à mesure qu’on attend », analyse pour 20 Minutes Stéphanie Villers, économiste spécialisé en macroéconomie. Pour elle, loin d’être un mouvement de panique, la décollecte d’octobre montre au contraire que les Français, ni foncièrement cigale ou fourmi, « ont du bon sens dans leur gestion de l’argent et sont pragmatiques ».
Cinquième vague, nouvelle épargne ?
Dernière raison – et preuve que les choses évoluent vite –, octobre était le mois des bonnes nouvelles. Un faible nombre de cas de coronavirus, un chômage en baisse, de fortes créations d’emploi. « La période était tranquillisante et a incité les Français à consommer », appuie Philippe Crevel.
Mais voilà que novembre a chassé octobre et son lot de positivité. Une cinquième vague de covid déferle sur l’Europe, tandis qu’ un nouveau variant sud-africain très inquiétant a fait son apparition. Face à ces mauvaises nouvelles, les bourses mondiales dévissent et les Français pourraient à nouveau être tentés par le côté rassurant de l’épargne, a fortiori si le gouvernement rehausse le taux d’intérêt du livret A – un taux revu à 0,7 ou 0,8 % serait envisagé d’ici février 2022.
Calcul simple, équilibre complexe
Selon le calcul classique du taux d’intérêt, avec une inflation de 2 % sur l’année, selon les prévisions, et un taux interbancaire d’environ -0,5 %, le taux d’intérêt devrait être de 0,75 %. « Mais c’est un calcul purement informel, le gouvernement décide – ou non – de le suivre », note Philippe Crevel. L’exécutif peut autant décider de ne pas bouger le taux d’intérêt du livret A que le fixer à 1 % par exemple. Le problème pourrait être de rendre le livret A trop tentant en période de crise et d’incertitude et donc de doper l’épargne, entravant donc la consommation des Français indispensable à la croissance.
« Le gouvernement est pris en tenaille entre des vents contraires », métaphorise Stéphanie Villers. D’un côté, l’inflation galopante en France, qui pousse l’exécutif à donner un coup de main aux ménages français, de l’autre la crise du covid qui reprend, obligeant à se méfier d’une sur-épargne nocive à l’économie. Toujours dans l’image, Stéphanie Villers poursuit : « Il faut le juste dosage pour relancer la machine sans la faire s’emballer. »
Malin – ou calculateur en vue de la présidentielle 2022 –, le gouvernement s’est donné une marge puisqu’il ne devrait toucher au taux d’intérêt qu’au début de l’année prochaine, lui laissant le temps d’analyser les tendances de fin d’année. Toute la question sera de voir qui de la cinquième vague ou de l’inflation se sera calmée d’ici-là. Pour cette dernière, Stéphanie Villers note déjà des signes d’accalmie au niveau de la hausse des prix et estime que cette montée ne pourrait être que transitoire. Rien ne dit donc que le taux du livret A bougera. C’est toute la difficulté de l’épargne en économie : devoir être rentable, mais pas trop non plus.
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