Ces entreprises qui n'ont de français que le nom

DuPont, Comme des Garçons, Prêt-à-manger. À première vue, ces sociétés sonnent bien français. Elle ne le sont pourtant pas, même si elles ont malgré tout un petit quelque chose de tricolore dans leur origine.

Leur nom fleure bon la France. Et pourtant, ces entreprises ne sont pas françaises. Leur siège social se trouve souvent au-delà des mers, elles ne sont pas cotées à Paris, et sont loin de payer la majeure partie de leurs impôts sur le territoire. Une somme de critères qui, s'ils ne définissent pas à eux seuls la nationalité d'une société, lui donnent tous ensemble une terre d'attache. Alors pourquoi ces groupes portent-ils un nom français?Ces entreprises qui n'ont de français que le nom Ces entreprises qui n'ont de français que le nom

Pour les marques asiatiques, la réponse est assez simple. En Chine et au Japon, le Français sonne cool, tout particulièrement dans la mode. C'est moins le cas dans les pays anglo-saxons, plutôt adeptes du french-bashing. Et pourtant, cinq grands groupes, anglais ou américains, de renommée internationale, se sont baptisés d'un nom "so french". Voici comment c'est arrivé.

> DuPont de Nemours

Le patronyme français par excellence. Le 25e le plus porté dans le pays. Et pourtant, le géant de la Chimie du même nom, inventeur du nylon, du lycra et du teflon, est sans conteste Américain.

L'entreprise est née dans le Delaware en 1802 et elle a pris le nom complet de son fondateur: Éleuthère Irénée du Pont de Nemours. Au départ, cet aristocrate fraîchement expatrié avec sa famille pour fuir la Révolution française s'associe à un compatriote, Pierre de Bauduy de Bellevue, pour monter une manufacture qui produit de la poudre à canon. Un business qui décolle vite, fournit l'armée américaine et exporte en Europe. Deux siècles plus tard, le groupe devenu leader de l'agrochimie fusionne avec The Dow Chemical Company, et va en partie perdre ce patronyme si typiquement tricolore. Le nouvel ensemble s'appellera DowDuPont.

> Comme des Garçons

Rei Kawakubo, véritable idole de l'influente bloggeuse américaine Tavi Gevinson, a bien intégré le culte que vouent ses compatriotes fashionistas au luxe à la française. Cette Japonaise qui a vécu à Paris dans sa jeunesse, de retour sur son archipel natal, baptise sa griffe féminine d'allure androgyne "Comme des garçons", en 1969. A priori en référence aux paroles de la chanson de Françoise Hardy, "Tous les garçons et les filles".

Le premier défilé de la marque a lieu à Tokyo, en 1975, et le premier magasin ouvre dans la capitale japonaise la même année. La créatrice francophile organisera néanmoins son premier défilé hors frontières nippones sur les catwalks parisiens en 1981, et ouvre une première boutique étrangère dans la capitale de la mode en 1982. L'attachement de Rei Kawakubo à la France sera récompensé par l'État en 1993: il lui décerne le titre de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.

Ces entreprises qui n'ont de français que le nom

> Cadillac

Tout le monde (ou presque) sait que la marque aux mythiques coupés à ailerons est américaine. La filiale luxe de General Motors est née au cœur du berceau de l'automobile des États-Unis, à Détroit. C'est justement à cette ville qu'elle doit son nom à consonance "so french". Il a été inspiré par le gascon Antoine de Lamothe-Cadillac. Débarqué en Amérique à 25 ans, il y fondera le Fort Pontchartrain du Détroit en 1701, qui deviendra la grande ville américaine où siègent les plus grands constructeurs du pays.

En 1901, Henry M. Leland et ses associés, peu échaudés par l'échec d'une première tentative infructueuse aux côtés d'un certain Henry Ford, conçoivent une voiture au moteur puissant et précis. Ils en sont à choisir son nom. Détroit, justement, commémore son bicentenaire. Enthousiasmés par les festivités, ils décident de rendre hommage à son fondateur, et prennent ses armoiries comme symbole de la marque. Un logo qui a beaucoup évolué, jusqu'à devenir tellement stylisé que le blason est à peine reconnaissable.

> Prêt-à-Manger

La chaîne qu'on croise à tous les coins de rue de Londres n'a rien de français. Elle est originaire du Royaume-Uni. Les Anglais disent d'ailleurs, "Prêt", prononcé Pwet'. Il faut dire que sa prononciation dans les pays où elle distribue ses sandwichs fraîchement préparés n'est pas toujours aisée. Si bien que selon son responsable américain, "on se pose continuellement la question d'un changement de nom".

La paternité de la création de la marque, et donc le sens de ce nom, semble sujet à débat. Sur le site français de la chaîne, il est écrit que le concept a été créé en 1986 par Sinclair Beecham et Julian Metcalfe, deux étudiants gourmets. Selon le site de The Food and Drink innovation, le premier restaurant fût ouvert en 1983 par Jeffrey Hyman, et c'est sa sœur, Valérie, qui trouva ce nom, en référence au mondialement connu "prêt-à-porter" français. La consonance française évoquait aussi les traiteurs parisiens, réputés pour leurs produits frais.

Aujourd'hui, plus de 350 restaurants se répartissent entre la Grande-Bretagne, son principal marché, les États-Unis, Hong-Kong et la Chine. La France arrive en dernier, avec 12 restaurants. Mais il est vrai que la marque n'a traversé la Manche qu'en 2012.

> Net-à-porter

Un site américain, fondé par une anglo-américaine, racheté par un Suisse, qui fusionne avec un Italien. Rien de très Français là-dedans, à part que sa créatrice a beaucoup de connexions avec l'Hexagone. Son nom d'abord, qui sonne very french quand bien même Natalie Massenet, 50 ans, est née à Los Angeles d'un père américain journaliste et d'une mère anglaise mannequin.

Enceinte en 2000, d'un Breton bien de chez nous, elle prépare un autre bébé. Cette ancienne journaliste décide de créer un magazine de mode en ligne sur lequel tous les vêtements et accessoires sont disponibles à la vente. Un concept inédit. Elle le nomme "net-à-porter". Référence au "prêt-à-porter", qui s'oppose à la haute-couture en ce qu'il n'est pas réalisé sur mesure. Et clin d'œil au web, territoire de vente qu'elle s'est choisi à une époque où le e-commerce en est à ses balbutiements.

"Personne ne croyait en mon idée de vendre des vêtements de luxe en ligne!", s'amuse-t-elle dans le Elle. Son site va pourtant décoller, être racheté en 2010 par le suisse Richemont, maison-mère de Cartier et Chloé. puis fusionné en 2015 avec son concurrent italien Yoox. Nathalie Massenet, qui compte aujourd'hui parmi les femmes d'affaires les plus puissantes du monde, a démissionné le 3 septembre.

> Agent provocateur

La marque de lingerie a été créée en 1994 en Grande-Bretagne par le fils de la créatrice Vivienne Westwood, Joseph Corré, et son épouse d'alors, Serena Rees. Au Royaume de sa majesté, à défaut d'admirer les rouages de l'administration tricolore, on cultive un goût immodéré pour la langue de Molière. "Crème de la crème", "à la", "cliché", "bon voyage", "déjà vu", "rendez-vous", "fiancé", "à la mode", "c’est la vie", "au pair", "avant-garde", "belle-époque", "brunette"… La liste des expressions frenchies entrées dans le langage courant outre-Manche est sans fin.

"Agent provocateur", qui fait référence à ces personnes secrètement chargées de perturber l'activité d'un groupe, figure en bonne place parmi ces locutions courantes. Ici, la griffe luxueuse y a recours pour illustrer la vocation de ses dessous: suggérer plutôt que tout montrer.

La marque qui promeut ses modèles dans des campagnes sexy -le rodéo de Kylie Minogue sera censurée dans une Grande-Bretagne pourtant peu puritaine- a souvent fait appel à de jolies représentantes de l'Hexagone. Vahina Giocante, Joséphine de La Baume, ou encore Mylène Jampanoï ont compté parmi ses égéries.

https://twitter.com/ninagodart Nina Godart Journaliste BFM Éco