Grand format Jura. Depuis New York, cette agence de communication travaille à l’expansion du comté aux États-Unis

Par Joffrey Fodimbi Publié le

Depuis plus de dix ans, le Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté travaille en collaboration avec Jean-Louis Carbonnier et son cabinet de communication. Installé à New York, l’homme planche sur l’expansion du comté aux USA, auprès des- professionnels Importateurs, distributeurs et crémiers – mais aussi auprès du grand public, via la presse spécialisée et les influenceurs web.

Actu : Quel est le lien que vous avez avec le Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté (CIGC) ?

Jean-Louis Carbonnier : « Avec mon cabinet de communication, nous sommes les représentants de l’interprofession sur le marché américain. Quand l’interprofession a débuté ses actions aux États-Unis, elle a créé la Comté Cheese Association, qui n’est pas une association au sens français. Depuis une dizaine d’années, je travaille donc avec le CIGC, pour lequel j’exerce différentes missions sur le marché américain. »

Qui est Jean-Louis Carbonnier ?Originaire de Reims, Jean-Louis Carbonnier est arrivé au États-Unis en 1988. Il débute sa vie professionnelle dans une agence de communication à New York où durant six ans il s’occupe principalement de la communication pour le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC). En 2000, il crée son propre cabinet de communication, où il continue de s’occuper du CIVC, puis petit à petit, d’autres clients dans le domaine des vins et spiritueux. Peu avant le départ en retraite de Claudine Fox, qui depuis le début gérait la communication du Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté aux États-Unis, cette dernière lui propose de prendre le relais ; durant trois ans, les deux professionnels de la communication collaborent afin de former Jean-Louis Carbonnier à ce nouveau marché. Depuis, l’homme s’occupe, avec son cabinet, de la promotion du comté sur l’ensemble du territoire américain.

Quelles sont ces missions ?

J.-L. Carbonnier : « Cela va de la promotion du Comté sur les réseaux sociaux et auprès de la presse, mais aussi la diffusion de newsletter auprès des professionnels - importateurs, distributeurs et crémiers - ainsi que des actions de vielle sur le marché concernant la présence du comté chez les principaux distributeurs de fromages. Nous représentons également le comté lors du Fancy Food Show, qui est un grand salon de l’épicerie qui a lieu deux fois par an, une fois à New York et une fois à San Francisco. Nous organisons aussi tous les ans un voyage de presse dans le Jura, afin de faire venir directement sur place des journalistes et des influenceurs. Enfin, nous avons des missions de formation à destination des crémiers en association avec l’American Cheese Society. »

Votre action de communication n’est donc qu’en direction des professionnels, et non du grand public ?

J.-L. Carbonnier : « Oui, essentiellement. Mais nous touchons également le grand public, certes de manière limitée, par l’intermédiaire de la presse et des réseaux sociaux. Mais il faut bien comprendre que le marché des fromages artisanaux est très petit aux États-Unis ; donc le nombre de journalistes et d’influenceurs qui s’y intéressent est assez restreint. »

Une page Instagram dédiée

Créée il y a sept ans en plus d’une page Facebook, « car sur le marché américain Instagram est beaucoup plus important que Facebook », la page "comte_usa" permet à l’agence de communication de valoriser l’image du comté auprès de la presse, des influenceurs et du grand public.Nous avons trois types de publication sur cette page ; tout d’abord des posts créés en lien avec le CIGC, sur le métier en lui-même des éleveurs et des fabricants de comté. L’année dernière, par exemple, nous avions fait une interview du président du CIGC à l’occasion du passage du Tour de France. Ensuite, nous alimentons notre page avec l’aide d’influenceurs culinaires ; et enfin nous rémunérons également des influenceurs afin qu’ils nous produisent des recettes, des plateaux de fromage en direction du grand public. En effet, pour les Américains, le fromage demande une mise en scène dans sa présentation, beaucoup plus que pour les Français. »

Grand format Jura. Depuis New York, cette agence de communication travaille à l’expansion du comté aux États-Unis

Comment s’est développé le marché du comté aux États-Unis ?

J.-L. Carbonnier : « À l’origine, il n’y avait que quelques crémiers qui faisaient de l’importation directe. Mais grâce à notre présence aux Fancy Food Show, nous avons réussi à convaincre les distributeurs spécialisés dans la gastronomie de s’intéresser au comté et d’en importer. Petit à petit ils s’y sont intéressés, puis des enseignes très importantes ont également commencé à en commercialiser, comme Trader Joe’s, Costco ou Whole Foods Market qui ont toutes une présence nationale. Au départ, la vente du comté dans les rayons américains était surtout limitée aux périodes de fêtes ; puis petit à petit, grâce aux efforts menés auprès des distributeurs et des crémiers, les importations de comté ont augmenté progressivement, permettant aujourd’hui d’en trouver durant toute l’année. »

Du coup, quel type de client consomme du comté ?

J.-L. Carbonnier : « Le marché américain est essentiellement dominé, à 99 %, par des fromages industriels - que ça soit les parmesans, les provolones, les mozzarellas ou encore les cheddars - qui sont vendus essentiellement pour faire des recettes ou encore des sandwichs. Le fromage artisanal, lui, est plus haut de gamme, et coûte bien souvent plus de 15 dollars la livre (environ 12 € les 450 g). Les fromages d’appellation touchent vraiment peu de monde sur l’ensemble du territoire américain ; surtout un public dit foody (passionné de cuisine, N.D.L.R.), mais aussi des personnes qui aiment les voyages, qui sont assez sophistiquées. Car il faut bien comprendre que le fromage, selon nos standards de français, ne correspond pas aux habitudes américaines. »

Et où l’achètent-ils ?

J.-L. Carbonnier : « Le marché des fromages artisanaux a commencé à se développer dans les années 90. Par exemple il y a trente ans à San Francisco, on ne trouvait du fromage artisanal que chez deux crémiers ; aujourd’hui c’est chez une dizaine. Mais il faut comprendre aussi que dans ces boutiques, on trouve aussi d’autres produits destinés à accompagner le fromage, comme du vin, mais aussi des noix, des miels, etc. L’univers des fromages fins est donc assez étroit, et pour une partie des consommateurs, il est perçu comme étant lié aux produits de fêtes, et non pas comme des produits de consommation quotidienne. Plus largement, vous pouvez également trouver du comté dans des supermarchés haut de gamme qui proposent des produits gourmets et qui s’adressent à une clientèle plus huppée. »

• Le chiffre : 612612 tonnes de comté ont été exportées en 2020 vers les États-Unis sur les près de 6 000 tonnes exportées à l’international. Pour rappel, chaque année, ce sont près de 45 000 tonnes qui sont produites sur la zone de l’AOP. Devant les USA, arrivent en tête des pays importateurs de comté, l’Allemagne avec 1 559 tonnes en 2020, suivie de la Belgique, avec 1 245 tonnes, et du Royaume-Uni avec 800 tonnes.

Et du coup, en quelle quantité en achètent-ils ?

J.-L. Carbonnier : « Quand un américain rentre dans une crémerie, il va acheter plusieurs fromages afin de se faire un plateau. Mais chaque fromage sera acheté en petite quantité ; environ 100 grammes. Cela aussi car il y a le facteur prix qui intervient. Quand nous faisons des voyages de presse dans le Jura avec des journalistes américains, ils sont toujours impressionnés, lorsqu’on les emmène dans une crémerie, de voir des clients acheter du comté par morceaux de 500 grammes en plus d’autres fromages. »

Pour ces consommateurs qui ont cette connaissance des fromages artisanaux, comment perçoivent-ils plus particulièrement le comté ?

J.-L. Carbonnier : « Il faut déjà garder à l’esprit qu’aux États-Unis, les appellations sont du domaine du générique. Pour le brie par exemple, vous allez pouvoir trouver du goat brie, soit une espèce de brie fabriqué avec du lait de chèvre. Un Américain qui connaît le fromage de type brie, ne connaît pas forcément le brie tel qu’on peut le connaître en France. Mais grâce aux actions du CIGC auprès des professionnels, le comté bénéficie d’une très belle cote d’amour. Un respect et une admiration qui existe également chez les producteurs de fromage américains, qui n’hésitent pas à s’en inspirer pour développer leurs propres fromages ; car aux États-Unis, les appellations comme en France n’existant pas, les producteurs de fromage artisanaux, comme il en existe dans le Vermont, fabriquent de nombreux fromages différents. »

Concernant l’affinage du comté, les consommateurs américains y portent-ils attentions ?

J.-L. Carbonnier : « Avoir une proposition de différents affinages de comté ne se retrouve que chez les crémiers les plus sophistiqués qui s’adressent à des consommateurs plus avertis. De notre point de vue, nous sommes déjà très contents d’avoir des consommateurs qui achètent du comté ; la question de l’affinage, elle, est assez secondaire. Même si bien sûr, au niveau des professionnels, il y a toujours une certaine curiosité sur ces différents affinages. »

Un budget conséquent

Sur un budget global d’un peu plus d’un million d’euros pour la communication internationale, le CIGC consacre un budget de 200 à 250 000 € annuel pour les États-Unis. Outre l’agence de Jean-Louis Carbonier pour les USA, l’interprofession collabore également avec des agences de communication dans tous les pays vers lesquels elle souhaite se développer. « Nous avons des agences différentes avec qui nous collaborons en Allemagne et en Belgique par exemple, car à chaque fois nous essayons de nous adapter aux coutumes du pays », précise Aurélia Chimier, responsable du service communication.

Du côté des professionnels, y a-t-il une réflexion autour du choix d’importer du comté de tel ou tel affineur jurassien ?

J.-L. Carbonnier : « Oui, mais il faut aussi comprendre que les affineurs eux-mêmes viennent aux États-Unis et prospectent sur le marché, et ce depuis une vingtaine d’années, ce qui leur a permis de développer des relations. En tout, ils sont environ une dizaine à exporter sur le territoire américain. Depuis quelques années, certains grands crémiers français développent aussi des relations avec les distributeurs américains, afin de leur proposer des sélections qu’ils ont faites, permettant ainsi d’ajouter une nouvelle dimension à la diffusion du comté aux USA. »

Si je comprends bien, maintenant que la place du comté est faite aux USA auprès des professionnels, il vous reste à développer l’image de marque auprès du grand public ?

J.-L. Carbonnier : « Bien sûr ; pour cela nous commençons à travailler avec des journalistes plus traditionnels et des auteurs de livres de recettes de cuisine. Pour autant, les producteurs de comté réussissant très bien à vendre sur le marché intérieur français, je ne suis pas sûr que si le marché américain explosait, ils réussiraient à suivre. »

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