"Qu'est-ce que c'est, dégueulasse ?" : Alice Pfeiffer nous captive avec son "Goût du moche"

A lire aussiNews essentielles"Les Fugitives", l'enquête captivante sur ces femmes qui... News essentiellesPourquoi il faut lire "Le goût du baiser", le roman... News essentiellesUne présentatrice météo belge "trop enceinte" au goût des...

Quel est votre moche préféré ? De notre côté, la concurrence est rude. Une couette aux motifs pétants qui fait tache sur un canapé. Des bibelots d'un goût douteux sur l'étagère de mamie. Des photos malaise-friendly de nous ados, arborant un look aussi aléatoire que fashion - enfin... à l'époque. Fringues, couleurs, mobilier, le moche a autant de déclinaisons que de sens. Sur Instagram, des comptes comme Ugly Design et Shit Gardens débordent à l'unisson de clichés ring', repoussants, nazes, érigés en art total.

Bref, le moche est partout. Cela, la journaliste de mode Alice Pfeiffer le démontre avec une admirable minutie dans Le goût du moche (ed. Flammarion). Un essai limpide et objet design à lui seul (par sa mise en page) explorant les nuances de l'affreux : le ratage, le ringard, le kitsch, le dégueulasse, jusqu'aux héritiers plus ambivalents tel le "néo-moche". Fascinée depuis toujours par cet hideux que l'on ne saurait voir, l'autrice désire percer "le mystère insaisissable du moche, son impossibilité à le figer, sa complexité à le théoriser".

Car a contrario du beau, la condition du moche est aussi fuyante qu'un cheval sauvage (de ceux qui donnent lieu aux pires tatouages). Ce n'est pas simplement l'esthétique qu'il transgresse, mais la morale d'une société se pinçant le nez face au "mauvais goût", et d'un patriarcat vouant aux gémonies la "vulgarité", ce "terrain de provocation aussi complexe que jouissif", comme l'énonce l'autrice. Un moche révolutionnaire donc, que ce manifeste audacieux explore jusqu'au vertige théorique.

Provoc', oui, mais pas seulement. Alice Pfeiffer nous en dit plus sur ce moche d'aujourd'hui qui pourrait être "le joli de demain et l'étrange d'hier".